Le syndrome d’implantation septique (SIS) est un terme récent décrivant une endophtalmie septique associée à une rupture de la capsule cristallinienne avec une inflammation fibrinosuppurée centrée sur le cristallin et s’étendant en profondeur dans le cristallin (Bell et al., 2012).
Coloration HE, zoom x 10 : rétine décollée et repliée (flèches jaunes), inflammation riche en neutrophiles (étoile rouge); cellules épithéliales pigmentées de la rétine présentant un aspect en « pierre tombale ».
Cette affection évolue progressivement, commençant par une uvéite, souvent subclinique et aboutissant à une endophtalmie fibrinosuppurée.
L’inoculation intralenticulaire de bactéries ou champignons est considérée comme l’étiologie la plus pertinente (Bell et al., 2012 ; Dubielzig et Pirie, 2005).
Le SIS reste souvent inaperçu jusqu’à un stade terminal, quand des lésions irréversibles sont apparues et que l’énucléation devient inévitable.
Une démarche diagnostique et une thérapeutique adaptée sont à mettre en place précocement avant l’apparition du SIS.
L’implication d’une infection intralenticulaire au développement d’une uvéite phaco-induite a été suggérée pour la première fois par Wilcock BP et Peiffer JR (1987). Le terme SIS a été introduit plusieurs années plus tard et décrit l’endophtalmie fibrinosuppurée résultant d’un trauma oculaire associé à une pénétration de la capsule cristallinienne et l’inoculation de bactéries ou champignon dans le cortex cristallinien (Bell et al., 2012 ; Stiles, 2013).
Après l’incident traumatique, une uvéite à progression lente s’installe sur une période de quelques jours à quelques mois, voire quelques années (Bell et al., 2012 ; Stiles, 2013).
Jusqu’à maintenant, aucun mécanisme pathogénique n’a été proposé pour expliquer la longue durée de la période subclinique et le diagnostic se fait principalement avec l’examen histopathologique du globe oculaire (Stiles, 2013). Des éléments comme de l’hypopion, des membranes fibrovasculaires préiriennes ou du cortex cristallinien peuvent être identifiés dans la chambre antérieure (Bell et al., 2012 ; Dubielzig et Pirie, 2005 ; Dalesandro et al., 2011). Le cristallin peut présenter une cataracte, la capsule antérieure peut être déchirée laissant échapper un exsudat fibrineux et du cortex cristallinien (Bell et al., 2012 ; Dubielzig et Pirie, 2005).
La fibrose périlenticulaire induit des synéchies postérieures. Ces synéchies peuvent « coller » la pupille sur la capsule antérieure du cristallin, provoquant ce qu’on appelle une séclusion pupillaire. L’humeur aqueuse sécrétée par les procès ciliaires au niveau de la chambre postérieure ne peut plus circuler au travers de la pupille provoquant une dilatation de la chambre postérieure et un bombement de l’iris (aspect en « iris tomate »).
La fente ciliaire se retrouve fermée par la base de l’iris propulsée vers l’avant. Une hypertonie apparaît avec évolution d’un glaucome secondaire, comme noté dans le cas présent (Bell et al., 2012 ; Dubielzig et Pirie, 2005 ; Wilcock et Peiffer, 1987 ; Hendrix, 2013). Des lésions cornéennes ne sont pas toujours observées au moment du diagnostic (Bell et al., 2012 ; Dalesandro et al., 2011).
Bien que la griffure de chat soit la cause la plus commune de SIS et que d’autres causes ont été référencées dans la littérature vétérinaire, telles que des épines, des éclats de verre, des griffures d’écureuil, des jouets et des morsures de chien, la cause reste généralement inconnue dans la plupart des cas cliniques (Bell et al., 2012 ; Dubielzig et Pirie 2005 ; Dalesandro et al., 2011 ; Braus et al., 2017 ; Paulsen et Kass, 2012), comme dans le cas présenté.
Chez l’homme, les infections métastatiques sont une des causes des abcès intralenticulaires (Rajamaran et al., 2007). Cette affection chez l’homme est similaire au SIS trouvé chez l’animal (Bell et al., 2012).
La mise en évidence d’un trauma perforant nécessaire pour le développement du SIS n’est pas toujours évidente au moment de l’établissement du diagnostic du fait de la longue phase subclinique (Bell et al., 2012 ; Stiles, 2013). Une perforation cornéenne n’est rapportée dans les commémoratifs que chez 39 % des chiens et chez 20 % des chats. Il n’est identifié que chez 4,3 % des chiens après examen histologique. Dans le cas clinique présenté ici, l’examen ophtalmologique réalisé au CHV des Cordeliers n’a pas mis en évidence de perforation cornéenne (test à la fluorescéine négatif).
L’examen histologique réalisé sur notre cas clinique n’a pas permis d’identifier de microorganismes. La présence de bactéries ou champignons intralenticulaires est le facteur déclenchant d’un SIS, mais ils ne sont cependant pas toujours identifiés lors de l’examen histopathologique. Dans une étude réalisée sur 66 patients, des microorganismes ont été identifiés chez les deux tiers des yeux touchés par un SIS (Bell et al., 2012). Les microorganismes les plus fréquemment rencontrés étaient les cocci Gram positif, suivis par les bacilles Gram positif, des bacilles Gram négatif de morphologies variables et des champignons ont été identifiés chez deux chiens. Les colonies de bactéries ont été le plus souvent trouvées parmi les protéines cristalliniennes, loin des infiltrats inflammatoires (Bell et al.,2012).
Les lésions oculaires du patient étaient irréversibles et ont nécessité de pratiquer une énucléation. Cependant, une approche initiale différente aurait pu permettre d’éviter l’énucléation. La phacoémulsification est le « gold standard » du traitement d’une déchirure de la capsule cristallinienne (Stiles, 2013 ; Braus et al., 2017). Une étude récente rapporte un taux de succès de 85,2 % (médiane de suivi de 8 mois) chez des chiens avec une perforation cornéenne et cristallinienne qui ont subi une phacoémulsification (Braus et al., 2017) et le taux de succès varie entre 95,5 % (de 6 mois à 1 an postopératoire) (Sigle et al., 2006) et, 82,7 % et 100 % à 10 et 12 mois postopératoires respectivement (Lim et al., 2011). Le taux de succès chez le chat est considéré supérieur par rapport au chien (Stiles 2013 ; Braus et al., 2017), mais le taux exact n’est pas rapporté dans la littérature vétérinaire. Les complications postopératoires apparaissent le plus souvent dans les trois mois et comprennent des complications de cicatrisation de la plaie chirurgicale, des uvéites, des glaucomes secondaires, des phtyses bulbaires et des décollements de la rétine (Braus et al., 2017 ; Paulsen et Kass, 2012).
Les labradors présentent un risque plus élevé de glaucome et de cécité par rapport aux autres races (Moeller et al., 2011). Les boston terriers et les caniches de petit format ont également été rapportés pour avoir un taux de complications postopératoires supérieur aux autres races selon l’étude de Klein et al., (2011). Le traitement médical de l’uvéite est nécessaire avant et après la chirurgie (Hendrix, 2013 ; Braus et al., 2017).
Les études précédentes considèrent le traitement médical inefficace en monothérapie (Davidson et al., 1991), pourtant, une étude réalisée chez des chats et des chiens (Paulsen et Kass, 2012) a démontré que le traitement médical est une option appropriée pour les cas où la rupture de la capsule cristallinienne est de moins de 1,5 mm, en considérant bien sûr une bonne étanchéité de la plaie cornéenne et l’absence d’une iridocèle. À notre connaissance, il n’y a aucune étude randomisée à grande échelle qui fait le comparatif entre traitement médical pur et associé à une phacoémulsification. En outre, selon l’étude de Paulsen et Kass (2012), la longueur de la lacération cornéenne et le temps d’intervalle entre le trauma et la prise en charge sont des facteurs pronostiques significatifs. Celui-ci n’a pas été démontré par l’étude rétrospective de Braus et al., 2017.
Ce cas clinique présente donc toutes les caractéristiques du SIS. En conclusion, un diagnostic précoce et une prise en charge adaptée lors d’une perforation cornéenne sont primordiaux pour éviter le développement d’un SIS et une évolution dramatique aboutissant à une perte du globe oculaire.
Remerciements
Les auteurs remercient le Dr. Prata du laboratoire IDEXX pour l’analyse histopathologique et les photos qu’elle a effectuées.