Cas clinique
Circonstances de la morsure
Un propriétaire est victime d’une morsure par son serpent colubridé, serpent à groin, Heterodon nasicus (femelle de 3 ans de 400 g). Cet homme de 26 ans, pesant 68 kg pour une taille de 1,78 m, n’a pas d’antécédents médicaux importants, ni d’allergies connues. Éleveur capacitaire aux compétences reconnues, il est soigneur animalier dans une structure professionnelle et côtoie plusieurs milliers de reptiles au quotidien.
La morsure survient vers 19 heures lors d’un nourrissage. Le serpent est au préalable nourri avec succès, il saisit la proie et se cache dans son abri pour l’ingérer. Le soigneur revient quelques minutes plus tard pour changer la gamelle d’eau. Le reptile a alors terminé l’ingestion de sa proie et répond au stimulus provoqué par le mouvement dans son habitat et par l’odeur potentielle de proie sur les mains du soigneur par une attaque de prédation.
Il mastique avec puissance les phalanges intermédiaire et proximale de l’index gauche pris pour une seconde proie. Pour ne pas blesser l’animal, le soigneur essaie en vain de lui faire lâcher sa prise volontairement en lui instillant de la Listerine®(2) dans la gueule (le placement de la tête du serpent sous l’eau tiède n’a pas été tenté). La morsure dure environ 2 minutes avec des mouvements de mastication importants, confirmant la morsure de prédation, et devient très douloureuse et difficile à supporter. Le soigneur recourt à une pince pour ouvrir la gueule du serpent. Il précise qu’à ce stade la douleur semble ne provenir que de l’aspect mécanique de la morsure.
Une fois l’animal sécurisé dans son habitat, la victime procède à un lavage rigoureux de la plaie (savon liquide et Biseptine®(2) [chlorhexidine]). Le saignement abondant et continu est atténué par la pose d’un pansement non compressif.
Évolution
Un œdème léger de la zone mordue est constaté à T0 + 3 à 4 min (T0 : fin de la morsure). À T0 + 10 à 15 min, une douleur pulsatile, modérée et supportable (évaluation de 3/10) est perçue. À T0 + 30 min, une rigidité du doigt, une diminution de l’amplitude du mouvement et une persistance du saignement sont constatées (photos 2a et 2b). L’œdème continue de progresser sur les faces palmaire et dorsale de la main en direction du poignet (photos 3 et 4). Le saignement persiste. À T0 + 1 h 30, le doigt mordu est complètement rigide et n’a plus aucune amplitude de mouvement (photo 5). Malgré l’évolution de l’œdème, la victime choisit de ne pas consulter et trouve le sommeil, malgré une nuit légèrement agitée et désagréable. Vers 6 heures du matin (T0 + 10 h), elle est réveillée par une douleur intense, très marquée et pulsatile (évaluation de 6 à 7/10) qui persiste jusqu’à la prise en charge à l’hôpital (photo 6). L’œdème touche l’ensemble de la main et le poignet et remonte vers le coude. Le saignement est encore présent. Une phlyctène est apparue sur le bord médian de l’index (photos 7a à 7c). À T0 + 13 h, l’œdème remonte jusqu’à l’épaule (photo 8). À T0 + 14 h, dans l’incapacité de conduire, la victime se fait accompagner aux urgences de l’hôpital de Melun (77) où il est pris en charge immédiatement. À T0 + 19 h, un curetage chirurgical de la phlyctène est réalisé (photos 9a et 9b). Le patient reste hospitalisé 3 jours et se voit prescrire des soins locaux, une antibiothérapie et un arrêt de travail de 15 jours qui sera renouvelé pour une période identique en raison du risque infectieux sur son lieu de travail. Nous n’avons pas eu accès aux résultats des analyses sanguines et histologiques. La disparition de l’œdème a nécessité 1 mois et demi.
À ce jour, 5 mois après l’accident, la mobilité du doigt et l’amplitude de mouvement sont réduites d’environ 50 % de leur capacité.
Photo 2a - T0 + 30 min
Vue de profil
Un œdème au niveau de l’index gauche et un saignement persistant sont observés.
Photo 2b - T0 + 30 min
Face palmaire de la main gauche
Un œdème au niveau de l’index gauche et un saignement persistant sont observés.
Photo 3 - T0 + 45 min.
L’œdème se développe sur les faces palmaire et dorsale de la main et un saignement est toujours présent.
Photo 4 - T0 + 1 h
Observation de l’œdème touchant la moitié de la main sans concerner le poignet.
Photo 5 - T0 + 1 h 30.
L’œdème de la main est conséquent.
Photo 6 - T0 + 10 h.
Observation de l’œdème sur l’ensemble de la main et atteignant désormais le poignet.
Photo 7a - T0 + 12 h.
Vue de profil
Observation de l’œdème et de la phlyctène apparue dans la nuit.
Photo 7b - T0 + 12 h.
Face dorsale
Observation de l’œdème et de la phlyctène apparue dans la nuit.
Photo 7c - T0 + 12 h.
Face palmaire
Observation de l’œdème et de la phlyctène apparue dans la nuit.
Photo 8 -T0 + 13 h.
Face dorsale
Observation de l’œdème et de la phlyctène
Photo 9a - J + 1
Observation du doigt en phase postopératoire après l’intervention chirurgicale.
Photo 9b - J + 15
Observation du doigt en phase postopératoire après l’intervention chirurgicale.
Photo : D. Frammery