Pyothorax chez un chat

Cas clinique

  • Un chat femelle stérilisé Européen de 3 ans est présenté pour l’exploration d’un épanchement pleural.
  • Un abattement et une dysorexie évoluant depuis environ une semaine ont motivé une consultation chez le vétérinaire référant.

Auteur : Dr. E. Rattez 01-11-2015
Centre Hospitalier Vétérinaire des Cordeliers, 29 avenue du Maréchal Joffre, 77100 Meaux.
E-mail : erattez@chvcordeliers.com 

Un cas de pyothorax secondaire à un abcès pulmonaire chez un chat

  • La mise en évidence d’une dyspnée a conduit à la réalisation d’une radiographie du thorax. Un épanchement pleural est diagnostiqué.
  • L’animal ne présente aucun antécédent médical et a un accès libre à l’extérieur.
  • À l’examen clinique, l’animal est en bon état général et normotherme.
  • L’examen de l’appareil respiratoire met en évidence une dyspnée de type paradoxal (discordance).
  • Le reste de l’examen ne révèle aucune anomalie.

Compte tenu des résultats de l’examen clinique, de l’anamnèse et des commémoratifs, les hypothèses diagnostiques suivantes sont privilégiées :

  • un épanchement d’origine infectieuse (pyothorax ou exsudat secondaire à une péritonite infectieuse féline).
  • un épanchement secondaire à une hernie diaphragmatique.
  • un épanchement d’origine tumorale (lymphome…).
  • un épanchement d’origine circulatoire secondaire à une cardiomyopathie.

Des clichés radiographiques thoraciques complémentaires sont réalisés (Photos 1 et 2). Ils confirment la présence d’un épanchement pleural. Le diaphragme semblant intègre, une hernie diaphragmatique est exclue. Une lésion pulmonaire (concernant plus probablement le lobe caudal gauche) est également observée. Compte tenu de ces éléments, les hypothèses de pyothorax secondaire à un abcès et de tumeur pulmonaire sont privilégiées.
L’épanchement pleural étant peu important, la thoracocentèse est réalisée sous contrôle échographique.
Le liquide d’épanchement contient de nombreux éléments figurés hyperéchogènes de petite taille. La lésion pulmonaire identifiée à la radiographie est également observée (Photo 3).
Environ 70 mL d’un liquide d’aspect purulent sont ponctionnés. L’examen cytologique confirme l’origine septique de celui-ci (Photo 4). Un examen bactériologique est demandé.
Un bilan biologique est réalisé et met en évidence une leucocytose neutrophilique marquée (27 700 GNN/mm3). Le reste du bilan ne montre pas d’anomalie.
Afin d’explorer la lésion pulmonaire identifiée à la radiographie, un examen tomodensitométrique est réalisé sous anesthésie générale. Le scanner met en évidence de multiples lésions pulmonaires nodulaires au sein du lobe caudal gauche. Ces images évoquent en priorité des lésions inflammatoires . Aucune lésion pulmonaire n’a été visualisée à droite.
Au cours de l’examen, un pneumothorax sous tension s’est développé. Le pneumothorax est bilatéral mais plus marqué à gauche. La « rupture » d’une des lésions pulmonaires est suspectée. Un drain thoracique est donc mis en place. Malgré des aspirations répétées, le pneumothorax n’est pas géré. Une thoracotomie est donc réalisée.
Après préparation thoracique classique, une thoracotomie intercostale au niveau du 6 ième espace à gauche permet d’individualiser les lésions qui sont libérées de leurs adhérences avec le diaphragme.
Une lobectomie totale est réalisée après mise en place d’une pince GIA sur la bronche souche, une lobectomie partielle du lobe antérieur est également nécessaire en raison de l’impossibilité de libérer ses adhérences avec le lobe postérieur sans créer de lésions trop importantes (Photo 5).
Un nouveau drain thoracique est positionné. Le thorax est fermé de manière usuelle après péricardectomie partielle et ouverture d’une fenêtre médiastinale antérieure permettant un drainage.
Un examen histopathologique est demandé afin de confirmer la suspicion d’abcès pulmonaires. Une radiographie post-opératoire est réalisée afin de vérifier la position du drain (Photo 6).

Dans l’attente des résultats des examens bactériologique et histopathologique, le traitement suivant est mis en place :

  • antibiothérapie probabiliste associant céfalexine (15 mg/kg IV TID) et métronidazole (12,5 mg/kg IV BID).
  • fluidothérapie à l’aide de soluté isotonique (NaCl 0,9% normocomplémenté).
  • analgésie multimodale (association de morphine et de kétamine en infusion puis au besoin).
  • et une injection ponctuelle d’anti inflammatoire non stéroïdien (carprofen 4 mg/kg IV).

L’état général du chat s’améliore rapidement. Au cours des 48 premières heures, la vidange régulière du drain permet la récolte d’un liquide en quantité significative. Passé ce délai, le drain ne produisant plus, son retrait est réalisé sous tranquillisation. L’animal est gardé 24 heures supplémentaires sous surveillance. Aucune anomalie n’étant mise en évidence, il est rendu à ses propriétaires avec une double antibiothérapie (association métronidazole et céfalexine).
L’examen histopathologique conclue à une pneumonie et une pleurésie d’origine infectieuse, en particulier bactérienne (Photo 7). L’examen bactériologique confirme cette hypothèse puisqu’il met en évidence deux germes anaérobies, Actinomyces meyeri et Fusobacterium nucleatum, sensibles au traitement proposé. L’antibiothérapie déjà instaurée est donc poursuivie pendant au moins 6 semaines.
Des contrôles sont réalisés à intervalle régulier. L’état général de la chatte est jugé très satisfaisant et les contrôles radiographiques ne révèlent aucune anomalie (Photo 8).

Discussion

Le pyothorax décrit une infection bactérienne de l’espace pleural qui se caractérise par l’accumulation d’un exsudat purulent. Bien que jamais décrite en France, une origine fongique est possible.
Le diagnostic repose sur la conjonction des résultats des examens cytologique et bactériologique du liquide d’épanchement.
Les mécanismes d’infection, multiples, incluent :

  • une dissémination de germe à distance par voie hématogène.
  • l’extension d’un processus infectieux d’une structure adjacente (bronchopneumonie, médiastinite, rupture œsophagienne…).
  • ou une inoculation directe (traumatisme pénétrant, thoracocentèse, chirurgie thoracique ou un corps étranger pulmonaire).

Chez le chat, on a longtemps pensé que les plaies de morsure avec inoculation de la flore buccale étaient la principale cause de pyothorax. Une étude récente contredit cette hypothèse et met en avant l’aspiration de germes de la sphère oro-pharyngée. Cette inhalation ferait suite soit à une anesthésie soit à une infection de l’appareil respiratoire supérieur. Le dysfonctionnement de l’appareil muco-ciliaire lors de certaines viroses de l’appareil respiratoire supérieur pourrait faciliter l’inhalation puis la colonisation de l’appareil respiratoire par ces germes. Chez les chatons, la migration pulmonaire de certaines larves, servant alors de « porteurs » de bactéries intestinales, est incriminée.
Dans la majorité des cas et ce malgré les examens complémentaires, l’étiologie du pyothorax reste souvent non déterminée.
Aucun facteur de prédisposition n’a été identifié. Il existe très peu d’études sur la relation pyothorax/rétroviroses. Il semble cependant que l’incidence des rétroviroses chez lez chats souffrant de pyothorax n’est pas supérieure à celle d’une population « tout venant » et un statut FIV positif n’influence pas le pronostic à court terme d’un pyothorax.

Dans l’espèce féline, le pyothorax est liée dans 80% des cas à une flore oro-phrayngée avec une origine monobactérienne pour la majorité des cas. Pasteurella spp (germes aérobies) et des germes anaérobies comme Bacteroïdes spp et Fusobacterium sont les plus souvent impliqués. Il est donc important lors de suspicion de pyothorax de faire la demande d’une culture bactériologique aérobie et anaérobie, sous peine de faux négatif.
Escherichia ColiNocardia et Actinomyces sont, quant à eux, moins fréquemment rencontrées que dans l’espèce canine. A noter également que, chez le chien, la présence d’Actinomyces doit faire suspecter la présence d’un corps étranger. Chez le chat, cette association n’a pas été reconnue.

Chez l’Homme, le pyothorax ou empyème pleural décrit trois stades :

  • le stade aigu ou exsudatif, l’épanchement est alors peu cellulaire.
  • le stade transitoire ou fibrino-purulent, le liquide est beaucoup plus trouble et cellulaire. De la fibrine se dépose et des logettes commencent à se former. Le poumon ne peut plus complètement se ré-expanser. 
  • le stade ultime dit, d’organisation avec évolution vers une fibrose pleurale. Celle-ci conduit à un entrapement pulmonaire c’est-à-dire que la plèvre a perdu son pouvoir élastique et emprisonne le poumon qui ne peut plus remplir sa fonction ventilatoire.
    On parle de cortication pulmonaire.

Cette classification a des implications pronostiques et thérapeutiques immédiates(cf. Encadré). Les buts du traitement sont le débridement de l’espace pleural et la réexpansion complète du poumon en éliminant toute réaction fibrineuse pleurale excessive pouvant, à terme, entraîner ce phénomène de cortication.
En médecine vétérinaire, il n’existe pas de consensus thérapeutique. Le recours aux fibrinolytiques a parfois été évoqué, la thoracoscopie réservée aux structures équipées…

Pour la majorité des pyothorax, un traitement médical se justifie en première intention. Il repose sur une antibiothérapie et la vidange pleurale grâce à un drain thoracique.
Bien que l’infection soit souvent monobactérienne, les germes impliqués ont souvent développés des résistances. Dans l’attente des résultats de l’antibiogramme, une antibiothérapie large spectre est donc de rigueur (cf. tableau). Compte tenu de la susceptibilité des germes les plus souvent retrouvés lors de pyothorax dans l’espèce féline, les associations métronidazole – céfalexine ou métronidazole – amoxicilline et acide clavulanique sont indiquées. Dès réception de l’antibiogramme, ce choix sera éventuellement adapté. A noter que lors d’infection à germes anaérobies (difficiles à mettre en culture) ou en cas d’antibiothérapie préalable, la culture peut être négative. L’antibiothérapie sera alors modulée selon l‘évolution clinique.
L’antibiothérapie devra être débutée par voie parentérale, la prise orale sera instaurée dès que l’état de l’animal le permet. La durée de traitement recommandée est de 4 à 6 semaines en moyenne.
La vidange pleurale est le deuxième pilier du traitement médical. Les thoracocentèses répétées sont déconseillées car associées à une morbidité élevée. On peut les réserver au cas d’épanchement en très faible quantité. La vidange pleurale se fait donc grâce à un drain thoracique mis en place sous anesthésie générale. En cas d’épanchement pleural bilatéral, la pose de deux drains est conseillée. Ceci n’est cependant pas un impératif et l’intérêt d’un deuxième drain peut être jugée nécessaire si la vidange à l’aide d’un seul est insuffisante. La vidange est alors réalisée plusieurs fois par jour. Les lavages thoraciques sont recommandés par certains auteurs. Il n’existe cependant aucune standardisation sur les solutions de lavage utilisées (solutions isotoniques, ajout d’antibiotiques, d’analgésiques…), les quantités ou même les intervalles de lavage. L’intérêt n’est donc pas encore connu chez le chat et même le chien. Une étude mentionne cependant que, sans modifier le pronostic, les lavages thoraciques semblent diminuer la durée de mise en place du drain (8 jours sans lavage versus 5 avec). La même étude précise pourtant que la durée du drainage thoracique n’influence pas l’évolution à court terme. Le retrait du drain est réalisée quand sa production est inférieure à 2 mL/kg/jour.

Le traitement chirurgical est recommandé dans les situations suivantes :

  • en cas d’échec du traitement médical.
  • en cas de complications liées au drain thoracique c’est-à-dire de drainage jugé non satisfaisant, de pneumothorax, d’occlusion du drain…
  • en première intention lors de mise en évidence de lésion de cortication pulmonaire ou de diagnostic d’abcès pulmonaire. L’examen tomodensitométrique présente ici tout son intérêt dans l’évaluation de telles lésions. Chez le chien, l’identification d’Actinomyces, germe souvent associé à la présence d’un corps étranger végétal, est également une indication à la thoracotomie/thoracoscopie.

En effet, lors du diagnostic d’abcès pulmonaire, le retrait de la lésion est nécessaire à l’élimination de l’infection. En cas de cortication pulmonaire, l’absence d’élimination de cette réaction pleurale excessive rend le pronostic à court et long terme très sombre. Le recours à la thoracotomie est alors nécessaire afin de réaliser une lobectomie ou même si cela n’est pas trop délabrant, une décortication. La fibrose est cependant parfois trop étendue et la chirurgie trop délabrante. Le pronostic est alors jugé défavorable car la fonction pulmonaire est compromise.

Le pyothorax reste une affection relativement rare dans l’espèce féline et même canine.
L’approche thérapeutique de cette affection reste encore à la discrétion du clinicien. L’intérêt du lavage thoracique reste également à déterminer. Le pronostic du pyothorax est jugé satisfaisant dans 60 à 80% des cas.

Encadré : Démarche thérapeutique de l’empyème pulmonaire chez l’Homme

Les buts du traitement sont le débridement complet de l’espace pleural pour éradiquer l’infection pulmonaire et l’élimination de toute « couenne » pleurale pouvant entraîner une restriction pulmonaire.

Au cours de la première phase, le traitement est simple et repose sur une antibiothérapie et le drainage de l’espace pleural.

Au cours de la deuxième phase, deux solutions sont possibles :

  • la pose d’un drain et l’instillation d fibrinolytiques comme la streptokinase.
  • ou le débridement chirurgical de la cavité pleurale par thoracoscopie.

Le taux de succès de la première solution est d’environ 70% et présente l’avantage d’éviter une anesthésie générale. La deuxième solution est plus invasive mais présente plusieurs avantages : elle est rapide, évite une longue hospitalisation et permet une décortication minimale immédiate au besoin. En cas de cortication pulmonaire trop importante, la décortication est possible par conversion de la thoracoscopie en thoracotomie.
Au troisième stade de l’empyème, le traitement est la décortication formelle par thoracotomie.

Tableau

Bactéries communément mises en cause et leur sensibilité lors de pyothorax chez le chat.

Photo 1 : Radiographie du thorax, vue de profil

On observe à la fois la présence d’un décollement du bord ventral des poumons par rapport au sternum (petite flèche blanche) et des bords dorsaux par rapport à la colonne vertébrale (grosse flèche blanche).
Ces bandes d’opacité liquidienne correspondent à l’accumulation de liquide dans l’espace pleural. Notez l’atélectasie des lobes caudaux ainsi que la présence au sein du lobe caudal gauche d’une lésion aérique nodulaire compatible avec un abcès ou d’une tumeur nécrotique (grosse flèche noire).
Notez également au sein de l’épanchement la présence de bulles d’air faisant soit suspecter la présence d’une brèche pulmonaire soit d’un germe produisant du gaz (petite flèche noire).

Photo 2 : Radiographie du thorax, vue de face

On retrouve l’image d’atélectasie ou de collapsus d’une partie du lobe caudal gauche ainsi que la lésion aérique nodulaire compatible avec un abcès ou une tumeur (grosse flèche noire).

Photo 3 : Échographie du thorax

Notez la présence d’une lésion pulmonaire d’échogénicité mixte au sein du parenchyme pulmonaire.

Photo 4 : Examen cytologique du liquide pleural

(Illustration IDEXX, coloration MGG, G*40).
Notez la présence importante de granulocytes dégénérés mêlés à des macrophages renfermant des débris phagocytaires.
Aucun agent pathogène figuré n’a été observé.

Photo 5 : Pièce anatomique après exérèse chirurgicale

Notez la présence de multiples lésions abcédées au sein du lobe caudal gauche dont un rompu.

Photo 6 : Radiographie du thorax en post-opérataoire

Vérification de la mise en place du drain thoracique.

Photo 7 : Examen histologique de la lésion pulmonaire

(Illustration IDEXX, coloration PAS).
Notez la présence d’un exsudat fibrino-suppuré au sein d’une lumière bronchique

Photo 8 : Radiographie du thorax un mois après l’intervention chirurgicale

Absence d’anomalie notable.

Bibliographie

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  8. Barrs VR and Beatty JA. New insights into an old problem : part II. Treatment recommandations and prophylaxis, Vet J, 2009, 179 : 171-178
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