L’espace pleural est normalement virtuel, il y règne une pression négative qui permet l’expansion pulmonaire lors de l’inspiration. Un pneumothorax correspond à la rupture de ce vide avec accumulation d’air ou de gaz libres dans l’espace pleural. Il peut être d’origine traumatique ou spontané.
Pathophysiologie du pneumothorax
Lorsque l’air pénètre dans l’espace pleural, l’interaction entre la paroi thoracique et les poumons n’existe plus et une atélectasie pulmonaire s’installe.
Le pneumothorax a des conséquences respiratoire et cardio-vasculaire :
- dans un premier temps, l’hypoxémie secondaire au collapsus induit une tachypnée « compensatrice ».
L’hyperventilation va dans un premier temps permettre de réduire l’espace mort pulmonaire « physiologique » permettant un maintien des échanges pulmonaires. A ce stade, l’hyperventilation induit une alcalose respiratoire.
- Au fur et à mesure de l’accumulation d’air, un autre phénomène de compensation s’installe par le biais d’une expansion thoracique qui peut être relativement remarquable chez le chien.
Lors de pneumothorax sous tension (c’est-à-dire d’accumulation progressive d’air qui ne peut s’échapper : effet de valve unidirectionnelle), ces phénomènes compensateurs sont rapidement dépassés. La pression qui s’exerce sur le parenchyme pulmonaire est telle que l’expansion pulmonaire n’est plus possible. Les échanges gazeux deviennent inexistants, à ce stade, on observe une hypoxémie avec hypercapnie.
- lors de pneumothorax la pompe cardiaque est également altérée, le remplissage cardiaque est moindre et un choc cardio-vasculaire peut s’installer.
Étiologie du pneumothorax
Le pneumothorax traumatique fait suite à une lésion du parenchyme pulmonaire ou de la paroi thoracique, iatrogène ou non.
Selon certaines études, il reste le type de pneumothorax le plus souvent observé chez le chien.
Il peut être ouvert ou fermé.
Un pneumothorax ouvert survient quand il existe une communication directe entre l’environnement et l’espace pleural.
Un pneumothorax fermé fait suite à un traumatisme sans effraction de la paroi thoracique.
Il existe plusieurs théories sur leur formation, la plus communément admise est la suivante : lors du traumatisme, la compression rapide de l’air induit une augmentation brève mais importante de la pression dans les voies aériennes ce qui induit des lésions du parenchyme pulmonaire, une rupture des alvéoles et / ou une lacération de l’arbre bronchique.
Les causes de pneumothorax traumatiques sont multiples : morsure, fracture de côte, cause iatrogène comme lors de thoraocentèse, d’examen endoscopique…
La majorité des pneumothorax fermés se résout spontanément. En effet, le parenchyme pulmonaire « cicatrise » ; lors de lésion pulmonaire peu marquée et en l’absence de lacération de l’arbre bronchique, l’évolution d’un pneumothorax est donc favorable en quelques jours. Lors de lacération de l’arbre bronchique en particulier, la cicatrisation plus difficile et peut conduire à une sténose bronchique (Photos 12 et 13). Dans de rares cas, l’étanchéité des voies aériennes ne peut être rétablie et la « fuite » d’air persiste.
Le pneumothorax spontané est toujours fermé et évolue indépendamment de tout traumatisme. Il peut être :
- primaire : il fait alors suite à la rupture d’un bleb apical, sans maladie pulmonaire sous jacente.
- ou secondaire : il est alors la conséquence d’une maladie pulmonaire diffuse (pneumonie infectieuse, infiltration tumorale, maladie emphysémateuse avec bulle apicale) ou non (abcès
pulmonaire, granulome parasitaire…).
La majorité des pneumothorax spontanés chez le chien fait suite à la rupture d’une bulle ou d’un bleb (Encadré et figure). Macroscopiquement, la distinction entre ces lésions n’est pas possible.
Épidémiologie et clinique
Un pneumothorax doit être suspecté et recherché sur tout animal ayant subit un traumatisme ou présentant une lésion de la paroi thoracique ou de l’emphysème sous cutané. La dyspnée peut être très variable : d’une tachypnée avec dyspnée restrictive à une détresse respiratoire avec cyanose.
En général, les bruits cardiaques et respiratoires sont assourdis.
Une toux et une hyperthermie sont possibles.
Les animaux prédisposés au pneumothorax spontanés primaires sont des chiens de grande race et d’âge moyen, à thorax profond sans antécédent respiratoire. Les Siberian Husky semblent largement représentés.
Diagnostic
Le diagnostic de certitude repose sur l’examen radiographique, ce dernier ne doit cependant pas être réalisé sur un animal en détresse respiratoire chez qui on préférera réaliser au préalable une thoracocentèse, procédure à la fois diagnostique et thérapeutique.
La radiographie reste l’examen de première intention lors de la recherche d’un pneumothorax, de sa cause ou du bilan lors d’un traumatisme.
Les signes radiographiques du pneumothorax sont :
- sur le cliché de profil, la silhouette cardiaque est décollée du sternum par une bande densité aérique.
- et sur le cliché de face, de l’air est présent entre la paroi thoracique et le parenchyme pulmonaire collabé.
La sensibilité de l’examen radiographique dans la mise en évidence de lésions de type bulle ou bleb, leur localisation et leur nombre est faible, de 0 à 50% selon les études. Le recours à d’autres examens est donc souvent nécessaire : il s’agit de l’examen tomodensitométrique ou de la thoracoscopie.
Le scanner permet plus facilement que la radiographie conventionnelle d’identifier des lésions responsables du pneumothorax, de les dénombrer, de les localiser et d’évaluer le reste du parenchyme pulmonaire.
Selon une étude de 2006 évaluant la sensibilité du scanner dans la détection de lésions type bulle ou bleb lors de pneumothorax spontané chez le chien, cet examen permettrait d’identifier deux fois et demi plus de lésion que la radiographie conventionnelle avec une très bonne corrélation entre le scanner et les lésions identifiées au cours d’une chirurgie. La sensibilité de cet examen est donc estimée à 77 % ce qui est bien inférieur à l’Homme (entre 85 et 91% selon les études).
Afin d’être le plus performant possible, les auteurs recommandent de réaliser l’examen après vidange du pneumothorax et en maintenant une aspiration forcée : en limitant le collapsus pulmonaire éventuel, on facilite ainsi l’identification des lésions parenchymateuses d’intérêt. Au scanner, une bulle ou une bleb se présentent comme une zone hypodense et avasculaire.
Une étude réalisée en 2013 donne une sensibilité du scanner encore inférieure ; les auteurs expliquant que lorsque la bulle ou bleb s’est ouverte, celle ci se collabe et ne présente alors plus les caractéristiques attendues. La lésion prend alors l’aspect d’une aire focale de densité interstitielle ou alvéolaire avec un épaississement pleural en regard.
Cette étude démontre également que le scanner présente une faible spécificité : après vidange d’un pneumothorax, de petites poches d’air peuvent se former entre les plèvres et être confondues avec une bulle ou une bleb.
Cette étude apporte également d’autres données intéressantes qui ne semblaient pas évidents : la sensibilité et la spécificité du scanner ne sont ni dépendantes du lecteur, ni de la méthode d’acquisition des images, ni de l’importance du pneumothorax résiduel ni même de la taille des lésions.
En conclusion, l’examen tomodensitométrique doit être réalisé dans l’évaluation de l’étiologie d’un pneumothorax spontané mais lors d’identification de lésion type bulle/bleb, les résultats du scanner doivent être modérés et le recours à une exploration chirurgicale des deux hémithorax est toujours recommandé.
En l’absence de lésion évidente à l’examen tomodensitométrique et en cas de persistance du pneumothorax, une exploration chirurgicale de la cavité pleurale doit être proposée. La sternotomie médiane, permettant une exploration des deux hémithorax est la technique de choix. Quelques études proposent cependant désormais le recours à la thoracoscopie vidéo-assistée.
Cette technique mini-invasive a plusieurs avantages : elle permet l’identification du ou des site(s) lésionnel(s), l’évaluation de la quasi-totalité du parenchyme pulmonaire et peut être utilisée à but
thérapeutique.
Traitement
L’attitude thérapeutique en cas de pneumothorax dépend de son étiologie, de sa sévérité et de l’état clinique de l’animal au moment du diagnostic.
La prise en charge immédiate et commune à toutes les causes repose sur la gestion de l’état de choc et de l’hypoxémie : une thoracocentèse, une oxygénothérapie et un repos strict sont nécessaires. Lors de pneumothorax avec plaie thoracique, la mise en place d’un bandage étanche à l’air doit précéder le drainage thoracique.
La thoracocentèse est souvent la première option thérapeutique lors de pneumothorax traumatique.
La mise en place d’un drain thoracique est recommandée lorsque plus de deux ponctions sont nécessaires sur une journée.
La majorité des tubes de thoracostomie dispose d’une marque radio-opaque permettant de vérifier leur position à la radiographie.
La vidange du drain peut être faite manuellement à la seringue ou grâce à un système de vidange continu comme une valve d’Heimlich.
En cas de vidange manuelle, l’extrémité du drain est reliée à un robinet trois voies. Les ponctions doivent être réalisées le plus proprement possible et le plus régulièrement. L’utilisation d’un système de vidange continu comme la valve d’Heimlich est recommandé lorsque le pneumothorax est très productif, limitant ainsi les manipulations du drain.
Quelque soit la méthode de vidange choisie, l’étanchéité du système doit être vérifiée sous peine qu’un pneumothorax iatrogène survienne.
En ce qui concerne les pneumothorax traumatiques, la majorité est se résout en quelques jours avec un traitement conservateur, au delà de 5 jours, le recours à un traitement chirurgical est recommandé.
Le repos est primordial afin de limiter les frictions entre les feuillets pleuraux qui pourraient limiter la cicatrisation pleurale et entraîner l’apparition d’une fistule pleurale.
En revanche, lors de pneumothorax spontané, un traitement chirurgical rapide par lobectomie (partielle ou complète) est recommandé en première intention. Il améliore le pronostic en diminuant le risque de décès et en limitant à long terme le risque de récidive (3% après un traitement chirurgical versus 50% lors de traitement médical).
L’approche chirurgicale recommandée est la sternotomie médiane, seule technique permettant une exploration complète des deux hémi-thorax. Cette technique chirurgicale est cependant invasive et nécessite une analgésie rigoureuse en post-opératoire.
De plus en plus utilisé chez l’Homme, la thoracoscopie thérapeutique se développe également chez le chien.
Des techniques d’abord permettant une exploration de toute la cage thoracique (abord unique avec fenestration médiastinale) ont été développées. Les complications liées à cette méthode sont faibles et le pronostic post-opératoire excellent.
La pleurodèse qui est une procédure visant à créer une adhérence entre les deux feuillets pleuraux lors de pneumothorax persistant ou récidivant malgré un traitement chirurgical. Cette technique utilisée chez l’Homme a été étudiée chez le chien, il semble cependant que les résultats ne soient pas concluants. Cette technique n’est donc pas recommandée en médecine vétérinaire.
Complications et pronostique
La majorité des pneumothorax traumatiques ne récidivent pas. En revanche, les pneumothorax spontanés gérés médicalement ont un taux de récidive proche de 50% versus 3% lors de gestion chirurgicale.
Un œdème lors de la ré-expansion pulmonaire est une complication bien connue chez l’Homme et a également été rapporté chez le chien lors de vidange de pneumothorax chronique. Il peut survenir dans les heures qui suivent la ré-expansion. L’étiologie exacte est incertaine ; une augmentation de la perméabilité vasculaire liée à des lésions de reperfusion doit être impliquée.
Conclusion
En pratique quotidienne, la majorité des pneumothorax chez le chien fait suite à un traumatisme et se résolve en quelques jours avec un traitement conservateur.
Lors de pneumothorax spontané, l’identification de l’étiologie est une étape primordiale et indispensable à la planification du traitement chirurgical largement recommandé dans ce contexte.
Le scanner apparaît à ce jour comme l’examen à privilégier dans ces circonstances, ses limites doivent cependant être connues.