Les urolithiases sont un motif de consultation peu fréquent en médecine canine, et parmi eux, les calculs de cystine sont rares. Sans que la raison n’ait été identifiée, leur prévalence est dépendante de la localisation géographique. Aux Etats-Unis, une étude récente les place parmi les urolithiases les moins fréquentes (entre 1 et 2%) alors que dans certaines parties de l’Europe (Espagne en particulier), leur prévalence peut atteindre 26%1, 2.
Les animaux concernés sont presque exclusivement des mâles âgés de 2 à 8 ans. Les races à risque sont le Bouledogue Anglais, le Terre-Neuve, le Teckel et le Chihuahua. Chez le Terre Neuve, les symptômes se manifestent précocement et ce, quel que soit le sexe de l’animal2, 3, 4.
La cystine est composée de deux acides aminés reliés par un pont sulfure. Chez l’animal sain, elle est librement filtrée par le glomérule puis activement réabsorbée dans le tube contourné proximal. Chez les animaux malades, les protéines de transport responsables de la réabsorption sont non fonctionnelles, la concentration urinaire en cystine est donc anormalement élevée. La cystine étant peu soluble dans les urines, les chiens présentant une cystinurie sont donc prédisposés à la formation de calculs.
Le diagnostic de cystinurie repose sur l’examen du culot urinaire qui objective des cristaux hexagonaux typiques ou sur l’analyse par spectrophotométrie à infra-rouge du calcul. Un dépistage pourrait être effectué soit par réaction colorimétrique (dite de Brand qui utilise le nitroprusside de cyanure, toxique) soit par chromatographie urinaire. Ces deux techniques ne sont pas abordables en pratique1, 3.
Chez l’Homme, la cystinurie est une maladie hétérogène qui peut avoir une origine génétique ; il en existe alors trois types. Il semble qu’il en soit de même chez le chien.
Chez le Terre Neuve, la transmission est autosomale récessive. La mutation concerne le gène SLC3A1. Ceci correspond à la cystinurie de type A chez l’Homme. Un test génétique existe et est facilement accessible en pratique vétérinaire (www.antagene.com).
En ce qui concerne les autres races, l’anomalie génétique n’a pas encore été identifiée3, 4.
Les chiens mâles étant les plus souvent concernés, le risque d’obstruction urinaire est élevé lors de lithiase à cystine. Par conséquent, bien qu’un traitement médical visant à dissoudre ces calculs existe, le traitement chirurgical est souvent préféré.
Dans les mois qui suivent la chirurgie, le risque de récidive est élevé sans que l’on ne puisse donner de valeurs précises.
Des mesures préventives sont donc primordiales. Communes à toutes les lithiases, la dilution des urines (alimentation humide par exemple) et les mictions fréquentes (nombreuses sorties) sont bénéfiques.
Le régime de ces animaux doit être contrôlé1. Les caractéristiques suivantes sont conseillées :
- restriction protéique modérée : elle est susceptible de faire diminuer la cystinurie d’environ 20% (probablement par diminution du taux de précurseur en cystine)
- restriction sodée : au niveau tubulaire existe une réabsorption conjointe de cystine et de sodium. En diminuant le taux de sodium dans l’aliment, sa réabsorption et donc conjointement celle de cystine sont donc accrues.
En plus de mesures hygiéniques et diététiques, les bénéfices de la tiopronine sont désormais reconnus3.
En convertissant la cystine en une molécule plus soluble dans les urines, la tiopronine retarde la survenue des récidives de manière significative (8 mois en moyenne sans tiopronine contre 18 mois avec). Utilisée en prévention, la dose recommandée est de 15 mg/kg matin et soir.
Chez les chiens de petite taille, un reconditionnement est parfois nécessaire, sinon, une prise quotidienne de 30 mg/kg est néanmoins envisageable.
En cas de récidive, la tiopronine peut permettre la dissolution des calculs. La posologie doit alors être augmentée à 40 mg/kg/j. La dissolution survient en moyenne après 1 à 3 mois chez 60% des animaux3.
Des effets secondaires sont possibles, il s’agit le plus souvent d’une agressivité ou d’une polymyosite. Chez l’Homme, une protéinurie a été décrite. Ces effets secondaires surviennent en général dans les 6 mois qui suivent la mise en place du traitement. Ils concernent environ 15% des animaux et semblent pour la majorité disparaître lors de la diminution de dose.
L’utilisation de tiopronine n’a bien sur d’intérêt que chez les animaux présentant encore une cystinurie significative au moment du diagnostic de lithiase. En effet il semble qu’à ce moment, certains chiens ne présentent plus de cystinurie significative, celle-ci ayant probablement du être transitoire. Le dosage quantitatif ou qualitatif de cystine urinaire étant impossible en pratique, l’utilisation de tiopronine est donc recommandée chez tous les animaux présentant des calculs de cystine.
Toute nature de calcul confondue, environ 55% des chiens avec une urolithiase vésicale et/ou urétrale présentent une infection du bas appareil urinaire. Il est donc important de la diagnostiquer pour correctement la traiter.
En cas d’examen bactériologique négatif sur urine prélevée par cystocentèse, il est désormais recommandé de réaliser également une bactériologie sur un calcul et sur une biopsie de muqueuse vésicale. Il est ainsi possible de diagnostiquer environ 25% d’infection du bas appareil urinaire supplémentaire.
En revanche, lors de bactériologie positive sur urine, multiplier les prélèvements n’a pas d’intérêt dans la mesure où ils ne seront pas plus informatifs1, 5.
À ce jour, les techniques de retrait des calculs sont nombreuses : lithotripsie, cystotomie ou cœlioscopie. Bien que cette dernière présente probablement des avantages (réalisation un examen urétral…), la supériorité d’une technique par rapport à une autre n’est pas encore connue et le choix d’une méthode est souvent dicté par son accessibilité. La cystotomie garde donc à ce jour tout son intérêt dans le traitement des calculs chez le chien et le chat. Comme toutes les autres techniques, le risque de retrait incomplet existe. Certaines précautions d’ailleurs communes à la cœlioscopie doivent donc être prises pour minimiser ce risque : rinçage vésical abondant, réalisation d’une radiographie post-opératoire avec ou sans produit de contraste6…
Conclusion
Bien que peu fréquentes en médecine canine, les urolithiases restent un défi thérapeutique. En effet, malgré le respect des mesures préventives, les récidives sont fréquentes et ce quel que soit la nature de la lithiase.