Les alternatives à la coproscopie chez le chien et le chat
Quelles sont les limites de la coproscopie?
La coproscopie est un examen aisé et incontournable compte tenu de son large spectre diagnostique.
Par conséquent, lors de l’exploration de signes digestifs ou respiratoires sans suspicion clinique précise, son utilisation en première intention se justifie[1].
La fréquence des co-infections est un argument supplémentaire à l’utilisation de ce test en première intention. Par exemple, dans un lot de chat vivant en collectivité (malade ou non), une étude montre qu’environ 12% des animaux sont parasités par Tritrichomonas fœtus et Giardia duodenalis[2].
En revanche, le pouvoir diagnostique de la coproscopie peut parfois être insuffisant et ne pas permettre de conclure. Par conséquent, lors d’indication limitée (suspicion clinique précise ou dépistage), le recours à des examens plus sensibles et plus spécifiques est nécessaire.
Il est également possible que la coproscopie ne soit tout simplement pas l’examen approprié compte tenu des hypothèses envisagées. C’est le cas par exemple lors de suspicion d’entérite bactérienne ou virale.
On distingue alors :
- des examens complémentaires à la coproscopie : les indications sont dans ce cas communes (giardiose, trichomonose, cryptosporidiose…).
- et des alternatives diagnostiques à la coproscopie : les indications sont différentes. (entérite bactérienne, virale)
Quels sont les principes de ces examens ?
Les principes de ces examens sont :
- l’immunologie : en particulier la technique ELISA (Enzyme Link ImmunoSorbent Assay). Elle vise à mettre en évidence un antigène donné d’agent parasitaire, viral… ou les anticorps produits en réaction et anormalement présents dans les selles.
- la biologie moléculaire avec la PCR (Polymerase Chain Reaction), technique d’amplification d’ADN in vitro
- la mise en culture fécale.
Quels sont ces tests en pratique ? Comment et quand les utiliser ?
Cas de la Giardiose
Le principe du Snap test Giardia IDEXX ainsi que son pouvoir diagnostique chez le chien ont déjà été présentés au cours de la première partie de notre article. Rappelons seulement que chez le chien, ce test présente une valeur prédictive négative (probabilité que la maladie ne soit pas présente lorsque le test est négatif) médiocre. Il doit donc être réservé au diagnostic (animal malade).
Chez le chat, la sensibilité de ce test est d’environ 85% avec une spécificité proche de 100% ; ceci est équivalent à la coproscopie après enrichissement. En associant coproscopie et Snap test, la sensibilité atteint presque 97%. Il est donc recommandé d’associer ces deux examens si la suspicion clinique est forte[3].
Des techniques PCR ont également été étudiées chez le chien et le chat[4, 5]. Accessible en pratique, la valeur diagnostique de ce test n’a cependant pas été déterminée (absence d’étude comparative avec les autres techniques).
En médecine humaine, une étude ayant comparé la coproscopie, la PCR et un test immunologique rapide dans le diagnostic de la giardiose[6] a montré que malgré une sensibilité très élevée de la PCR, il existe des possibilités de réaction croisée qui conduisent à une mauvaise spécificité. Les auteurs de cet article recommandent donc l’utilisation éventuelle de la PCR comme test supplémentaire à la coproscopie microscopique.
En l’absence de données précises, les recommandations en médecine vétérinaire sont actuellement les mêmes7.
Cas de la Trichomonose
La trichomonose est une maladie féline due à un protozoaire flagellé, Tritrichomonas fœtus (Encadré 1). C’est une maladie émergente encore probablement souvent confondue avec la giardiose[7, 8]. En effet, à l’examen coproscopique, il n’est pas aisé de faire la différence entre les trophozoïtes de Giardia et de Tritrichomonas (Schéma).
Son diagnostic a longtemps reposé sur la coproscopie microscopique par examen direct, sa sensibilité est très faible (inférieure à 20%)[2, 9]. Le parasite étant très fragile, le prélèvement doit être rapidement analysé (dans les 24 heures maximum). Si ce n’est pas possible, il est conseillé d’ajouter du sérum physiologique (environ 3 mL pour 2 g de selles), cela permet d’augmenter la durée de survie du protozoaire jusqu’à 4 jours. Ceci est important car la diagnose de ce parasite repose, bien entendu sur sa morphologie, mais également sur sa motilité, différente de celle de Giardia. La coproscopie après enrichissement présente une sensibilité encore plus médiocre car le parasite est souvent détruit par les liquides de flottation utilisés.
C’est une maladie vénérienne fréquente chez les Bovins pour laquelle un système de culture disponible a été validé et adapté au chat : In Pouch TF Feline Assay (commercialisé par le laboratoire Biomed, www.biomeddiagnostics.com/tfœtus-feline)[9].
Cet examen est simple et réalisable en pratique : le milieu de culture stérile est ensemencé avec une faible quantité de selles fraîches (environ 0,05g) puis incubé à température ambiante pendant 12 jours. L’observation de la culture est réalisée tous les deux jours au microscope (grossissement par 10 ou 40). Si la culture est positive, on observe les protozoaires reconnaissables car mobiles. Après 12 jours, la culture est considérée négative si aucun trophozoïte n’a pu être mis en évidence..
La sensibilité de cet examen est élevée (environ 85%) et la spécificité excellente (milieu de culture non favorable à G. duodenalis avec qui T. fœtus pourrait être confondu). La sensibilité et la spécificité de ce test en font un test indiqué en complément de la coproscopie dans deux situations :
- lors de dépistage
- ou lors de suspicion de giardiose n’ayant pas répondu au traitement classique c’est-à-dire de trichomonose ayant été confondue avec une giardiose ou bien même une coinfection.
Lorsque la suspicion de trichomonose est élevée mais ne peut être prouvée ni par la coproscopie ni par la culture, il est désormais possible de recourir à la PCR. Plusieurs kits sont commercialisés et un laboratoire français propose cet examen (« pack » PCR comprenant également la giardiose, la cryptosporidiose…). Celui-ci, à priori très sensible et spécifique, doit cependant être réservé au cas difficile c’est-à-dire aux animaux malades pour lesquels les premiers examens n’ont pas permis de conclure[7, 10].
L’utilisation de ces tests en première intention sur animal malade pourrait donner lieu à un diagnostic erroné de trichomonose (détection d’un animal porteur de T. fœtus souffrant d’une autre parasitose… à l’origine des symptômes).
Chez les animaux souffrant de trichomonose traités avec succès, le recours à la PCR en suivi de traitement n’est pas recommandé car celle-ci peut parfois rester positive. Un phénomène de ré-infection ou le passage à un état de porteur asymptomatique sont suspectés[8].
La giardiose et la trichomonose sont les parasitoses ayant le plus bénéficiées de ces nouvelles techniques de diagnostic réalisables soit en clinique soit en laboratoire.
Qu’en est-il d’autres maladies ?
En ce qui concerne la cryptosporidiose, des techniques ELISA ou d’immunofluorescence existent mais ne sont pas accessibles en France. La coproscopie microscopique après enrichissement et améliorée par une coloration de Zielh Neelsen reste la méthode diagnostique de choix. Un test PCR est en revanche disponible. Pour des raisons identiques à celles qui ont été énumérées pour la giardiose ou la trichomonose, cette technique doit être réservée aux cas difficiles[7, 11].
En ce qui concerne les verminoses pulmonaires (angiostrongylose et aeluronstrongylose), des méthodes PCR et sérologiques ont été étudiées, mais leur utilisation est encore réservée au milieu universitaire[12].
Qu’en est-il de la coproculture ? Qu’est-ce que la coproculture ?
C’est l’examen bactériologique des selles à la recherche de bactéries réputées pathogènes, différentes de la flore intestinale « normale ». Si une indication existe, un antibiogramme peut y être associé.
Quelles sont les indications à la coproculture ?
C’est un examen rarement réalisé car ces indications sont restreintes. Il n’existe en fait pas de réel consensus. Face à une gastro-entérite (aiguë ou chronique) avec hyperthermie et bilan inflammatoire positif, une origine bactérienne doit être suspectée et pourra être prouvée par une coproculture. Au préalable, une origine virale, beaucoup plus probable aura du être exclue. La réalisation d’une cytologie fécale (écouvillonage de la paroi colique étalé sur lame puis coloré) peut être intéressante à prouver l’utilité de la coproculture. En effet, la mise en évidence d’une population importante de granulocytes neutrophiles dégénérés peut orienter vers un phénomène bactérien . Les principales entérites bactériennes recherchées sont la salmonellose, la campylobactériose, la clostridiose… (Encadré 2). Une autre indication à la coproculture est la recherche d’un agent bien spécifique dont la pathogénicité est reconnue au cours de certaines maladies. C’est le cas de certaines souches d’Escherichia Coli lors de colite histiocytaire ulcérative chez le chien (Encadré 3).
La coproculture n’est en aucun cas l’examen de choix pour explorer une suspicion de prolifération bactérienne digestive. Le dosage combiné des folates et de la vitamine B12 reste dans ce cas l’examen de choix même si son pouvoir diagnostic est limité.
Comment réaliser une coproculture ?
Cet examen ne nécessite ni matériel spécifique ni onéreux. Un prélèvement de selles directement dans le rectum est réalisé puis conservé dans un pot stérile ou non. Aucun milieu de culture spécifique n’est nécessaire pour l’envoi. L’analyse doit être réalisée dans les meilleurs délais, l’envoi doit donc être rapide et si possible sous couvert du froid (conservation à + 4°C).
Comment interpréter un résultat de coproculture ?
L’interprétation de cet examen est délicate car il existe une flore intestinale normale. Son interprétation ne doit donc pas être envisagée si aucun des germes précédemment cités n’a été mis en évidence. En cas de positivité, le résultat doit être interprété à la lumière de l’anamnèse, des symptômes et de l’agent identifié. Deux raisons à cela existent. Tout d’abord, certains agents potentiellement pathogènes peuvent être présents chez des animaux sains. Deuxièmement, la mise en évidence d’un agent dans les selles ne permet pas de conclure que celui-ci est bien responsable de la diarrhée ; c’est le cas de la clostridiose, pathogène lors de synthèse d’entérotoxine. Un échange avec le laboratoire peut alors être d’une aide précieuse. En cas de doute persistant sur la mise en cause de l’agent identifié, le recours à d’autres examens (mise en évidence de toxines…) peut alors être recommandé.
Ces examens au pouvoir diagnostique plus pertinent mais plus restreint ne doivent être entrepris que lorsque la coproscopie n’a pu permettre de conclure alors qu’une hypothèse parasitaire (âge de l’animal, provenance..) est privilégiée ou qu’une co-infection est suspectée.
La coproscopie reste donc l’examen de choix à utiliser en première intention lors de l’exploration de signes digestifs non spécifiques ou respiratoires.