Le rôle du Robert Jones est de stabiliser le membre à partir du coude ou à partir du grasset. Il peut être utilisé de manière temporaire pour la stabilisation de fracture en attente de la chirurgie. Dans ces cas, l’immobilisation est très satisfaisante et devient le premier traitement contre la douleur.
Par la même occasion, il prévient les traumatismes créés par le mouvement des abouts osseux fracturés et contribue ainsi à protéger les tissus mous et surtout la vascularisation indispensable à une future cicatrisation. Le Robert Jones est néanmoins déconseillé en tant que traitement principal de la fracture. En effet, avec le temps le coton se détend et sa stabilité n’est alors plus suffisante. Le Robert Jones est ensuite utilisé après une chirurgie soit car une stabilité supplémentaire est momentanément nécessaire soit pour empêcher le gonflement des tissus mous.
La réalisation
Il nécessite de la bande adhésive type sparadrap, du coton (en rouleau de préférence), de la bande crêpe et de la bande cohésive.
Avant de commencer le bandage, les plaies (chirurgicale ou non) doivent être traitées et protégées. Dans le cas d’une plaie chirurgicale, quelques compresses pour couvrir les sutures suffisent. Dans un premier temps, on va placer deux bandes de sparadrap sur la face dorsale et la face palmaire (plantaire) du membre en les laissant dépasser de plusieurs centimètres au-delà des doigts (Photo 1).
En aucun cas les bandes de sparadrap ne doivent être appliquées sur la peau tondue. En effet, l’adhésif est irritant pour la peau et peut réellement blesser l’animal au bout de 10 jours (Photo 2).
Cela signifie que dans le cas où l’animal est tondu jusqu’à la limite des doigts, on ne dispose que de quelques centimètres pour coller le sparadrap (Photo 3).
De même, on ne place pas de bande entourant complètement le membre au risque de nécroser l’extrémité en coupant la vascularisation si la patte gonfle (Photo 4).
Pour l’étape suivante, si des compresses doivent être maintenues sur une plaie, on commence par couvrir le membre avec de la bande crêpe. Cela permet de les maintenir en place lors de la pose du coton. Pour ce faire, la bande crêpe est enroulée autour du membre en partant des doigts de telle sorte qu’elle se recouvre elle-même de 50 % à chaque tour (Photo 5).
- Photo 1 : Sur un animal non tondu les sparadraps peuvent être collés sur tout le long de la patte.
- Photo 2 : Dix jours après la pose d’un Robert Jones, on peut voir la forte irritation de la peau à l’endroit où le sparadrap était collé.
- Photo 3 : Sur un animal opéré, on n’attache les sparadraps que sur le bout des doigts non tondus.
- Photo 4 : En aucun cas on ne place du sparadrap autour du membre. Si le membre gonfle, le sparadrap n’étant pas élastique il va devenir un garrot et entrainer une nécrose de la partie distale du membre
- Photo 5 : Une bande crêpe est enroulée autour du membre de façon à se recouvrir de 50 à chaque tour.
Un seul passage est suffisant. Si aucune plaie n’est présente, de suite après l’application des sparadraps on peut passer à l’étape du coton. Les bandes d’ouate orthopédique sont idéales pour cela (Photo 6) mais sur des animaux de taille imposante un grand nombre est nécessaire et on leur préfère alors du coton en rouleau.
Idéalement on utilise du coton cardé écru qui a l’avantage sur le coton hydrophile d’être hydrophobe. On démarre l’application du coton au niveau des doigts 2 et 5 en laissant ainsi dépasser du bandage les doigts 3 et 4. L’ouate orthopédique est appliquée comme la bande crêpe : on assure un recouvrement de la bande par elle-même de 50 %.
On prend bien soin de monter le bandage aussi haut que possible dans le creux axillaire ou l’aine. On applique autant de bande d’ouate chirurgicale que nécessaire pour obtenir une épaisseur d’ouate de 4 à 8 cm en fonction de la taille du chien (Photo 7).
Lorsque l’on utilise un rouleau de coton à la place, on ne peut appliquer la règle des 50 % et se conformer à l’anatomie du membre est plus difficile. On fait de son mieux pour avoir une couche de coton homogène sur l’épaisseur souhaitée. On utilise ensuite de la bande crêpe appliquée comme expliqué ci-dessus pour comprimé le coton de manière homogène. Deux à trois couches sont nécessaires afin de comprimer le coton de 40 à 50 % (Photo 8).
Le coton est suffisamment comprimé lorsque le son émis par une chiquenaude sur le bandage émet le son que l’on obtiendrait sur une pastèque mûre. C’est à ce moment que
les bandes de sparadrap sont repliées sur le bandage. La dernière étape consiste à protéger le bandage avec une bande cohésive. Cette bande est appliquée comme la bande crêpe.
L’aspect final du bandage doit être homogène (Photo 9).
- Photo 6 : De gauche à droite, coton cardé écru (hydrophobe), coton hydrophile et ouate orthopédique.
- Photo 7 : L’épaisseur de coton varie en fonction de la taille du chien, ici sur un jeune terre neuve.
- Photo 8 : Le coton est ensuite comprimé à l’aide d’une bande crêpe, appliquée comme précédemment. Si l’épaisseur de coton est adéquate, on peut tendre la bande crêpe au maximum lors de cette étape sans risquer de trop serrer.
- Photo 9 : A la fin de sa réalisation, le Robert Jones doit avoir un aspect homogène.
- Photo 10 : Une barre en aluminium est pliée en U et placée à l’extrémité distale du bandage. Si les propriétaires vous sont sympathiques, vous n’omettrez pas de protéger l’aluminium avec un morceau de caoutchouc ou de l’enrubanner dans du sparadrap afin d’atténuer le bruit du métal sur le carrelage à la maison !
On prendra bien soin de ne pas étendre la bande cohésive au maximum lors de son application car une tension excessive peut entraîner une compression trop importante des tissus et compromettre ainsi la vascularisation. Ce risque est cependant très faible si l’on a appliqué une épaisseur de coton adéquate. La pression au niveau du coton se relâche rapidement après la pose et une surveillance régulière est nécessaire dès 4 à 6 heures après afin de vérifier si le bandage doit être changé.
Les astuces
Renforcer la zone au-dessus du tarse. Si le bandage n’est pas assez rigide et rembourré au niveau du tarse, il va se plier à ce niveau et la bande cohésive va comprimer la peau
entraînant un défaut de vascularisation puis une nécrose de la peau.
L’utilisation d’un étrier de marche : A l’aide d’une barre en aluminium (on en trouve de tous les diamètres dans n’importe quel magasin de bricolage), on réalise un U que l’on vient placer au bout du bandage (Photo 10).
Cette technique vient de la bonne réalisation d’un plâtre et évite que l’animal ne se cisaille les doigts sur le bord distal du plâtre. Elle est néanmoins très utile pour les Robert Jones puisqu’elle permet non seulement d’éviter le frottement des doigts sur le bout du bandage mais permet aussi de repousser le pansement vers le haut à chaque fois que l’animal s’appuie sur son étrier.
L’utilisation d’adhésif pour éviter que le bandage ne glisse. En effet, dans tous les manuels, le moyen d’empêcher le pansement de glisser est l’utilisation du sparadrap comme décrit dans le paragraphe ci-dessus. Cependant, ce n’est pas par l’extrémité distale que le bandage glisse mais bien par le haut. On utilise donc des pansements cutanés pour chien (Photo 11) que l’on roule sur eux-mêmes afin d’avoir de l’adhésif sur les deux faces. On colle ensuite ce « double-face » au niveau le plus proximal du bandage (au-dessus du coude ou du grasset) (Photo 12).
Ces zones sont en général tondues et pour les raisons sus mentionnées, on n’utilisera jamais du sparadrap ou de la bande adhésive à cet usage. Ceci permettra au bandage d’être bien maintenu et de ne pas glisser sur la peau.
L’utilisation d’une atèle en aluminium. N’importe quel Robert Jones peut être renforcé avec une atèle ou une bande de résine. Ici l’utilisation d’une barre en aluminium conformée au membre en position physiologique permet au bandage de garder sa forme. Cela diminue le risque de compression notamment à l’intérieur du tarse et permet de maintenir certaines courbes au bandage lui permettant de mieux résister au glissement que s’il devient tout droit (Photo 13).
- Photo 11 : Pansement prévu pour être collé sur la peau.
- Photo 12 : Un morceau de pansement est enroulé sur lui-même afin d’être adhésif sur les deux faces. Un morceau de ce « doubleface » est collé directement sur la peau à l’intérieur et à l’extérieur de la cuisse et va ainsi empêcher le bandage de glisser depuis sa partie proximale.
- Photo 13 : Une barre en aluminium est conformée au bandage. Elle renforce le bandage mais surtout maintient sa conformation et diminue le risque de glissement.
- Photo 14 : Les doigts doivent toujours être visibles après la pose d’un Robert Jones. Si ce n’est plus le cas, c’est que le bandage a glissé.
- Photo 14bis : Plaies sur les doigts 10 jours après la pose d’un Robert Jones. Le chat a marché dans sa gamelle d’eau rapidement après la pose du bandage sans que les propriétaires s’en aperçoivent.
Les conseils au propriétaire
Bien que simples, ces recommandations sont indispensables pour éviter des complications dramatiques.
Un pansement de Robert Jones peut rester en place maximum 10 à 15 jours dans le meilleur des cas. Il y a quatre situations dans lesquelles le propriétaire doit venir faire changer le bandage prématurément :
- Si le bandage glisse, ce qui se traduit par les doigts 3 et 4 qui ne sont plus visibles pour le propriétaire (Photo 14). Dans ces cas, le bandage va tomber sous le coude ou le grasset, perdant ainsi tout son rôle stabilisateur et même jouer un rôle délétère en alourdissant l’extrémité du membre.
- Si les doigts gonflent. Dans le cas où le bandage est trop serré, le retour veineux étant comprimé, les doigts vont gonfler. J’ai l’habitude de préciser aux propriétaires que s’ils ont un doute sur l’état des doigts, c’est qu’ils ne sont PAS gonflés. En effet, lorsque cela arrive, les doigts sont gonflés à un tel point qu’il n’y a aucune ambiguïté possible.
- Si le bandage est mouillé. C’est pour éviter cette complication qu’on préfère le coton cardé écru qui est hydrophobe et limitera ainsi les risques. Si le bandage est mouillé et laissé en place pendant 10 jours, les conséquences sur la peau sont impressionnantes et vont jusqu’à la nécrose (Photo 14bis).
- Si un chien qui supporte bien son bandage depuis sa réalisation et se met du jour au lendemain à l’attaquer frénétiquement, cela signifie qu’il se passe quelque chose dessous. Un contrôle et un changement du bandage est nécessaire pour trouver la cause de l’irritation.