L’incompétence sphinctérienne
Traitements médicaux et chirurgicaux
Les causes possibles d’incontinence chez le jeune sont les uretères ectopiques, l’incompétence du sphincter urétral (ISU) congénitale, l’hypoplasie vésicale, la persistance du canal de l’ouraque, l’hermaphrodisme, ainsi que des anomalies congénitales neurologiques (spina-bifida). Chez l’adulte, le diagnostic différentiel inclut l’ISU acquise, les fistules urétérovaginales, les tumeurs vésicales, les troubles neurologiques acquis, les désordres obstructifs entraînant une rétention urinaire chronique et secondairement une incontinence, ainsi que l’hyperactivité du détrusor. L’ISU est la cause la plus fréquente d’incontinence urinaire, représentant 60 % des cas d’incontinence présentés en consultation.
Chez 50 % des chiennes présentant une ISU congénitale, l’incontinence peut disparaître ou s’améliorer après le premier œstrus. Si ce n’est pas le cas les chiennes peuvent bénéficier d’un traitement médical (substances a-sympathicomimétiques) ou chirurgical. Bien que décrite chez les mâles, les femelles immatures et les femelles adultes entières, l’ISU affecte typiquement les chiennes stérilisées, d’âge moyen et de race de grand format. Son incidence chez les chiennes stérilisées varie selon les études de 4,5 % à 20%, voire 30 % chez les chiennes pesant plus de 20 kg. Certaines races ont été décrites à risque pour l’ISU : c’est le cas du boxer, doberman, schnauzer géant, setter irlandais, bobtail, rottweiler, springer spaniel et du braque de Weimar (figure 1).
Les chiennes de petit format ont moins de risque de développer une ISU. L’incontinence débute dans 75 % des cas 2 à 3 ans après la stérilisation mais peut aussi se produire lors de phases d’excitation, comme en cas d’aboiement par exemple. Le terme d’ « incompétence du sphincter urétral » est utilisé pour décrire une incontinence urinaire due à une diminution de la résistance urétrale.
Pathophysiologie de l’ISU Plusieurs facteurs prédisposants ont été décrits concernant l’ISU :
- Le tonus urétral : il peut être mesuré grâce à un examen urodynamique de profilométrie urétrale (figure 2).
Figure 2
Il est la cible des traitements médicamenteux tels que l’éphedrine ou la phenylpropanolamine (PPA).
- La position de la vessie : celle ci peut être trop caudale et elle est alors « intrapelvienne ». Lorsque c’est le cas, le col vésical n’est plus soumis à la pression intra-abdominale et perd donc de son efficacité. (figures 3 et 4)
Figure 3 – Vaginouretrocystographie retrograde chez une chienne présentant une vessie intra-pelvienne.
Le col vésical est complètement engagé dans la filière pelvienne. À cet endroit, il n’est pas soumis à la pression intra-abdominale comme l’est le reste de la vessie.
Figure 4 – Vaginouretrocystographie retrograde chez une chienne incontinente avec une vessie intra-abdominale normale.
- La longueur de l’urètre : certaines études ont montré que les chiennes incontinentes ont un urètre plus court que des chiennes normales. Ce facteur ainsi que la position de la vessie sont les justifications de la chirurgie la plus couramment utilisée pour corriger l’ISU, à savoir la colposuspension.
- La stérilisation : l’ISU est incontestablement liée à la stérilisation puisque 90 % des chiennes atteintes sont stérilisées. Cependant le mécanisme exact n’est pas élucidé et les dernières études montrent que le moment de la stérilisation (avant ou après les premières chaleurs) ne semble pas être déterminant tant que la chienne est stérilisée après 3 mois d’âge.
- L’obésité : chez les chiennes obèses, le péritoine caudal est déplacé vers l’avant par la graisse rétro-péritonéale. Le col vésical est ainsi positionné davantage en position extrapéritonéale, ce qui pourrait expliquer le fait que chez certaines chiennes obèses, l’urètre proximal soit moins affecté par les changements de pression abdominale que chez les chiennes non obèses.
Traitement médical de l’ISU
Le traitement initial de l’ISU est généralement médical. Deux classes de médicaments sont classiquement utilisées : les agonistes a-adrénergiques et les dérivés oestrogéniques.
Les substances a-adrénergiques
Les plus utilisées sont la PPA et l’éphédrine. La PPA est le traitement de choix. Son administration améliore significativement la fonction urétrale chez les animaux incontinents. La dose recommandée et la fréquence d’administration de la PPA dans le traitement de l’ISU chez le chien sont de 1 à 1, 5 mg / kg toutes les 8 à 12 heures. Le taux de succès décrit avec ce traitement varie de 85 à 97 %.
Cependant des études ont montré une efficacité accrue à une dose de 1,5mg / kg une seule fois par jour. C’est à cette dose que nous l’utilisons avec succès avec une compliance augmentée grâce à la fréquence d’administration moindre.
L’efficacité de l’éphédrine est légèrement moins prédictible que celle de la PPA. Le taux de continence complète après traitement de chiennes stérilisées incontinentes avec l’éphédrine varie de 75 à 83 %. Chez des chiennes
atteintes d’ISU, la pseudoéphédrine induit une plus forte augmentation de la résistance urétrale et un meilleur taux de continence que la PPA mais induit cependant plus d’effets secondaires que celle-ci. Les effets secondaires principaux de ces médicaments sont l’hyperexcitabilité et l’hypertension artérielle. Outre ces effets secondaires, la PPA est aussi associée à l’irritabilité, la tachycardie, l’augmentation de la pression intraoculaire et la glycogénolyse hépatique.
Les substances œstrogéniques
Seules ou en combinaison avec la PPA, les œstrogènes sont un traitement alternatif de l’ISU. Le diethylstilboestrol est un œstrogène de synthèse efficace mais associé à une toxicité dose-dépendante sur la moelle hématopoïétique pouvant entraîner une aplasie médullaire. L’œstriol, œstrogène naturel à une durée d’action plus courte mais ne présente pas ces effets secondaires. Les seuls observés sont minimes et transitoires, tels qu’un gonflement de la vulve et l’attraction des chiens mâles. Le taux de succès est inférieur à celui des agents a-adrénergiques, la réponse au traitement variant de 40 à 65 % selon les études.
Son utilisation est contre-indiquée chez les chiennes entières à cause du risque accru de pyomètre.
Traitement chirurgical de l’ISU
Un traitement chirurgical est recommandé en cas d’absence de réponse au traitement médicamenteux, lorsque la chienne y devient réfractaire, en présence d’effets secondaires indésirables, ou lorsque les propriétaires préfèrent une intervention plutôt que l’administration de médicaments à long terme. De nombreuses techniques ont été décrites sur un nombre plus ou moins important de patients avec un taux de succès variable. La colposuspension, l’urétropexie et les injections péri-urétrales sont les seules techniques à avoir été décrites sur des populations importantes de chiennes. Des techniques plus récentes testées sur un plus petit nombre de cas sont cependant prometteuses.
La colposuspension
L’intervention consiste à fixer le vagin, préalablement déplacé vers l’avant par toucher vaginal, aux tendons prépubiens à l’aide de 2 points de suture en matériau non résorbable. (figures 5 à 7).
Figure 5 – Image peropératoire d’une colposuspension. Le chien est positionné sur le dos avec la tête vers la gauche de l’image. Après dissection du tissus adipeux, on visualise le vagin situé dorsalement à l’urètre.
Figure 6 – Pour la colposuspension, deux sutures sont passées dans le vagin de part et d’autre de l’urètre.
Figure 7 – Ces sutures sont ensuite passées autour du ligament prépubic et serrées modérément.
Cette technique a pour effets de déplacer le col vésical en position intra-abdominale, d’augmenter la longeur urétrale, d’augmenter la longueur fonctionnelle de l’urètre, d’augmenter la valeur du point de pression de perte et d’améliorer la transmission des changements de pression intra-abdominale à l’urètre proximal. Après cette technique, 50 % des chiennes redeviennent continentes, 40 % sont améliorées et 10 % restent incontinentes.
L’urétropexie
Cela consiste à ancrer l’urètre dans la paroi abdominale ventrale, au niveau du bord antérieur du pubis, en plaçant 2 fils de sutures irrésorbables (polypropylène) d’un tendon prépubien à l’autre. Cette technique permet d’obtenir un taux de continence complète de 56 % et un taux d’amélioration de 27 %. Le taux de complication est de 21 % incluant une augmentation de la fréquence des mictions, dysurie et anurie.
Les injections péri-urétrales
Elles se réalisent par voie endoscopique et consistent en l’injection de collagène dans la sous muqueuse de l’urètre proximal. Une injection unique de collagène permet de restaurer la continence dans 44 à 68 % des cas pour une durée moyenne de 17 à 21 mois, d’améliorer les symptômes dans 16 à 25 % des cas, et n’a aucun effet dans 7 à 22 % des cas. Une détérioration du résultat initial est observée chez 19 à 40 % des chiennes traitées. Une seconde injection peut alors être réalisée.
Le sphincter artificiel hydraulique
C’est l’adaptation d’un sphincter déjà utilisé en humaine (figure 8).
Figure 8 – Occludeur hydraulique. La partie métallique s’installe sous la peau et est le port d’injection pour gonfler et dégonfler l’occludeur transparent à l’autre bout de la tubulure. Cette partie se suture autour de l’urètre.
L’appareil est constitué d’un système d’occlusion vasculaire en silicone placé autour de l’urètre proximal et connecté à un port à injection sous-cutané. Le système peut être gonflé et dégonflé en insérant une aiguille dans le port à injection sous-cutané. Le gonflement du sphincter artificiel induit une compression de l’urètre et une amélioration des paramètres urodynamiques.
Pour éviter les complications, il est recommandé d’utiliser cet implant de manière statique chez le chien pour augmenter la résistance urétrale en utilisant l’occlusion minimale nécessaire au maintien de la continence. La compression moins importante pourrait ainsi réduire le risque d’érosion de l’urètre. La principale complication est une sténose de l’urètre.
Soutènement urétral prosthétique trans-obturateur
C’est encore une fois une adaptation d’une technique utilisée en humaine pour traiter l’ISU. Le but de la procédure est de placer une bandelette sous l’urètre pour le soutenir notamment au moment d’une augmentation de pression abdominale. Pour faire, une épisiotomie est réalisée pour aborder l’urètre au niveau du vestibule et la muqueuse de se dernier est disséquée pour apposer la bandelette juste sur l’urètre. Grâce à de longues aiguilles, la bandelette est fixée en passant dans les foramens obturateurs.
Cette technique a pour le moment décrit des résultats comparables à la colposuspension tout en étant nettement moins invasive (figures 9 et 10).
Figure 9 – TVT-O chez une chienne incontinente. La chienne est positionnée sur le dos, les membres postérieurs ramenés vers l’avant. La tête du chien est vers le haut de la photo.
Une épisiotomie a été réalisée et une sonde urinaire est placée pour visualiser l’urètre.
Une incision est réalisée dans la muqueuse vaginale dorsalement à l’urètre par
laquelle est placée la bandelette (en bleue sur la photo) à l’aide de grandes aiguilles qui sortent à travers les foramens obturateurs.
Figure 10 – Vaginouretrocystographie postopératoire après une TVT-O chez une chienne incontinente.
Comparé à la Figure 4, on note le « décoché » de l’urètre (flèche blanche), soutenu par la bandelette.
L’ISU chez la chienne peut donc dans la majorité des cas, être traitée avec succès de manière médicamenteuse. Cependant, pour les chiennes qui ne répondent pas au traitement médical, qui y deviennent réfractaires ou qui présentent des effets secondaires, une alternative chirurgicale doit être proposée. De nombreuses techniques chirurgicales ont été décrites pour traiter l’ISU chez la chienne. Certaines d’entre-elles, telles la colposuspension et l’urétropexie, permettent d’obtenir un taux de continence complète d’environ 50 %. Ces techniques sont cependant invasives.
D’autres techniques telles les injections péri-urétrales sont moins invasives mais le résultat est souvent transitoire.
Nous ne disposons pas à l’heure actuelle d’une technique chirurgicale définitive associée à un bon taux de succès. Cette technique chirurgicale devrait idéalement être la moins invasive possible, être associée à un faible taux de complications et permettre d’obtenir un taux élevé de continence complète à long terme.