Intérêt de la laparoscopie dans le diagnostic des affections pancréatiques
La présentation des affections pancréatiques est souvent peu spécifique. Les signes cliniques les plus communs sont une douleur abdominale, une anorexie, des vomissements.
Intérêt de l’examen laparoscopique
L’exploration biochimique (en particulier dosages de la lipasémie et de l’amylasémie) est à la fois peu sensible et peu spécifique.
L’accessibilité récente des dosages SpeccPLI et Spec-fPLI (pancreatic lipase immunoactivity) 1 a permis d’augmenter la sensibilité et la spécificité.
Toutefois, le diagnostic biologique de pancréatite ne permet pas de conclure sur la nature de l’inflammation (aiguë versus chronique), sur son intensité ou sur les lésions des organes adjacents (cholangite par exemple).
L’imagerie présente également ses limites :
- la radiographie est un examen très peu sensible ;
- l’échographie et la tomodensitométrie permettent une meilleure approche mais restent souvent insuffisantes pour identifier la nature de l’affection pancréatique.
L’arbitrage entre inflammation, abcès et tumeur est délicat et très manipulateur dépendant 2.
L’examen physique du pancréas, l’examen des organes adjacents et l’évaluation de la péritonite associée, la possibilité d’obtenir des biopsies de qualité sont nécessaires à la réalisation d’un diagnostic de certitude. Dans ce but, envisager la réalisation d’une laparotomie augmente la morbidité et majore la douleur.
L’examen laparoscopique permet dans un temps opératoire très court (environ 10 minutes) et de manière mini-invasive, donc peu délabrante, d’obtenir la même qualité d’exploration.
Réalisation pratique
Mise en place des canaux
Le matériel nécessaire est le suivant : un canal optique de 5 ou 10 mm de diamètre, deux canaux opérateurs de 5 mm, permettant l’introduction d’une pince à préhension et d’une pince à biopsie.
L’animal est placé en décubitus dorsal, en discrète rotation sur le côté gauche, la partie inférieure du corps en position déclive afin que la gravité refoule la masse viscérale à distance de la région pancréatique (Photo 1).
Photo 1 – Position de l’animal et de l’équipe chirurgicale pour l’exploration laparoscopique du pancréas.
Le canal optique est mis en place par l’ombilic, puis la cavité abdominale est insufflée (12 mmHg) de manière à aménager un espace de travail dans la portion antérieure droite de l’abdomen.
Deux canaux opérateurs sont placés de part et d’autre de l’optique. Leurs positions d’entrée doivent être choisies avec précision afin de ne pas gêner les manipulations. Elles se placent sur un arc de cercle, centré sur le pancréas et passant par l’ombilic (Photo 2).
Photo 2 – Mise en place des canaux optique et opérateurs
Exploration du pancréas
L’examen commence par le repérage de la grande courbure de l’estomac et du duodénum descendant.
Sa portion proximale est saisie avec la pince à préhension introduite dans le canal opérateur droit (Photo 3).
Photo 3 – Examen de la portion ventrale du lobe pancréatique droit
Le corps et le lobe droit du pancréas sont alors nettement visibles sur leur face ventrale.
L’examen de la face dorsale est possible :
en introduisant une pince dans le canal gauche, le duodénum peut être tiré et amené du côté gauche de l’abdomen en exposant la face dorsale du lobe pancréatique droit (Photo 4), ainsi que le canal cholédoque et la porte hépatique.
Photo 4 – Examen de la portion dorsale du lobe pancréatique droit après déplacement à gauche du duodénum descendant.
Le lobe droit est également visualisable; néanmoins, il est moins facile d’accès en raison de sa position le long de la grande courbure de l’estomac sous le feuillet épiploïque.
Une dissection avec ouverture de la bourse omentale est nécessaire à son exposition.
Réalisation de biopsies
La manipulation du pancréas est généralement sans conséquences chez le Chien et le Chat.
Les biopsies laparoscopiques sont donc facilement réalisées et peuvent être multipliées durant la même intervention 3-5.
Néanmoins, le pancréas reste un organe fragile : le chirurgien doit éviter une traction sur le parenchyme qui risque de déchirer la structure pancréatique et de détruire les canaux excréteurs et les vaisseaux centraux.
La technique la plus sûre est d’utiliser le canal opérateur comme guillotine : il est avancé sur la pince à biopsie et vient sectionner le fragment de tissu prisonnier entre ses mors (Photo 5).
Photo 5 – Réalisation d’une biopsie : la chemise du canal opérateur est avancée pour sectionner un fragment de tissu pancréatique.
Réalisation d’un bilan lésionnel
Examen minutieux du duodénum descendant et de l’estomac
Toute inflammation du pancréas peut conduire à une activation de la trypsine au sein du parenchyme induisant une nécrose de l’organe mais également des structures adjacentes.
La contiguïté du duodénum descendant, aussi bien anatomique que vasculaire (irrigation commune par les artère et veine pancréatico-duodénale), l’expose particulièrement lors de péritonite focale.
Il doit être visualisé sur toute sa longueur, les instruments peuvent palper sa surface et repérer une dilatation anormale ou une induration (Photo 6).
Photo 6 – Pancréatite associée à une obstruction par corps étranger (chiffon) du duodénum proximal. Ce dernier apparaît dilaté et induré
Des kystes pancréatiques peuvent également être identifiés, leur contenu peut être aspiré après ponction à l’aiguille fine guidée durant l’examen laparoscopique (Photo 7).
Photo 7 – Kyste pancréatique chez le Chat. Il apparaît de même aspect que le duodénum (dans la pince) auquel il est adhérent.
Examen de l’épiploon et de la graisse abdominale
La péritonite focale accompagnant les lésions de pancréatite ulcérée présente un aspect caractéristique (Photo 8).
Photo 8 – Péritonite focale induite par une tumeur pancréatique ulcérée.
La laparoscopie permet de mesurer précisément l’intensité des lésions et leurs extensions anatomiques. Elle permet d’orienter le choix entre une résection chirurgicale ou un traitement uniquement médical.
L’irrigation d’un abcès pancréatique, la réalisation d’un parage lésionnel et d’une épiploïsation ne nécessitent pas forcément un recours à une conversion : ces techniques sont accessibles par voie laparoscopique.
Examen des voies biliaires et des canaux pancréatiques
En réclinant du duodénum à gauche et en déplaçant le canal optique dans le canal opérateur droit, une excellente visualisation des voies biliaires est possible.
Cela permet de rechercher une lésion du canal cholédoque, du sphincter d’Oddi et, là aussi, de choisir entre une option chirurgicale (techniques de Billroth, cholécysto-duodénostomie) et un traitement conservateur (mise en place de stent).