Fracture tibiale chez un chat doré asiatique
Traitement par ostéosynthèse biologique
Photo 1 : Chat doré asiatique (Catopuma Temmincki tristis)
Ce cas clinique illustre la démarche adoptée pour traiter une fracture tibiale chez un chat doré asiatique.
Le chat doré Asiatique (Catopuma Temminckii tristis) (photo 1) est une espèce peu connue dans son milieu naturel. Elle n’est hébergée que dans quelques parcs animaliers. Il n’y a aucune documentation correspondant aux possibilités de traitement chirurgical et en particulier des fractures dans cette espèce.
Diagnostic
Un chat doré mâle de 9 mois nous est présenté pour exploration d’un défaut d’axe sur le postérieur gauche apparu après une chute.
L’animal est transporté vigile, l’impossibilité de le manipuler nous conduit à réaliser une anesthésie générale (injection intramusculaire d’un mélange de médétomidine et de kétamine, à volume équivalent, jusqu’à effet).
Après induction anesthésique, une intubation trachéale est pratiquée, l’anesthésie est poursuivie par administration d’isoflurane dans l’oxygène pur. La ventilation est prise en charge par un respirateur.
La fréquence et le rythme cardiaques, la pression artérielle non invasive, la température, l’oxymétrie de pouls et la capnographie sont monitorés durant toute la période opératoire.
Une fluidothérapie (lactate de Ringer, 20 ml/kg /h) est distribuée en continu.
Le défaut d’axe est confirmé, associé à des crépitations à la mobilisation du membre. Des radiographies de face et de profil (photos 2 et 3) montrent une fracture tibiale au tiers proximal, oblique courte. Un point de ponction cutanée correspondant à une effraction de la peau par un fragment : il s’agit d’une fracture ouverte de degré 1.
Photo 2 : Radiographie de profil du tibia. Fracture oblique courte au tiers proximal
Photo 3 : Radiographie de face du tibia. Fracture tibiale et fibulaire.
Traitement
Une ostéosynthèse est réalisée dans le même temps anesthésique. La douleur est prise en charge par administration de chlorhydrate de morphine (0,2 mg/ kg IV, renouvelée après 2 heures) et d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (carprofène – Rimadyl®, 4 mg /kg).
La fracture étant ouverte, une antibiothérapie est instaurée : l’animal reçoit 15 mg /kg IV de céphalexine
(Rilexine®) puis une injection sous-cutanée de céfovecine (8 mg/kg – Convenia®) choisie en raison de la difficulté à administrer un traitement journalier.
Ayant eu la chance de réaliser quelques années auparavant une ostéosynthèse fémorale dans la même espèce nous avions l’expérience de sa structure osseuse. L’os est particulièrement dur : le perçage est difficile, le choc de la mèche sur le trans-cortex produit facilement une fracture de celui-ci.
Le précédent cas traité s’était soldé par un débricollage partiel n’ayant pas empêché une récupération fonctionnelle satisfaisante. Cette caractéristique doit être prise en compte dans le choix de la stratégie d’ostéosynthèse.
Critères de décision chirurgicale
La technique choisie doit répondre aux obligations suivantes :
- Le post-opératoire doit éviter les soins locaux, ainsi que la mise en place d’un pansement (contentif ou non), compte tenu de la nécessité d’une anesthésie générale pour chaque manipulation de l’animal.
- L’impossibilité de réaliser une « cageothérapie » impose une contrainte immédiate et violente sur les implants. L’environnement du chat doré ne permet pas d’éviter les sauts, la course, de grimper aux arbres.
- Le contact avec ses congénères sera immédiat
- La fragilité de l’os doit être anticipée.
Dans ce contexte, la technique d’ostéosynthèse biologique paraît la mieux adaptée. Le principe repose sur un respect de la vascularisation osseuse et en particulier du cal fracturaire.
L’ouverture chirurgicale est limitée au maximum afin de ne pas majorer le traumatisme vasculaire dû à la fracture en y ajoutant le délabrement dû à la dissection. Cela permet d’espérer une cicatrisation osseuse plus rapide.
Limiter la longueur des plaies facilite également les soins post-opératoires.
L’association d’un clou centro-médullaire et d’une plaque est choisie afin d’augmenter la rigidité du montage.
Réalisation pratique
Des radiographies du membre opposé sont réalisées afin de faciliter le modelage de la plaque. Le membre est tondu et préparé de manière aseptique (photo 4), le drappage au bloc est classique.
Photo 4 : Anesthésie et préparation aseptique du membre
Deux ouvertures de 1 cm sont réalisées en regard des épiphyses proximale et distale du tibia. Puis une troisième ouverture de 1 cm en regard de la fracture permet d’améliorer la réduction en octroyant une vision restreinte mais suffisante des abouts osseux.
Cette troisième ouverture aurait pu ne pas être pratiquée, évitant une dévascularisation, même minime, de la zone dans laquelle s’installera le cal. Mais le caractère ouvert de la fracture nous a fait préférer la possibilité de réaliser un rinçage de la zone contaminée.
La plaque est pré-modelée et apposée sur le membre (photo 5) pour confirmer que sa longueur est satisfaisante et que les ouvertures cutanées distales sont bien en regard des extrémités de l’implant. Sa taille est choisie de manière à ce qu’elle recouvre au moins 75 % de la largeur du tibia, ce qui correspond dans notre cas à un implant pour vis de 2,7 mm. Le risque d’avoir un modelage approximatif nous fait privilégier une plaque dans laquelle les têtes de vis peuvent être verrouillées (plaque LCP – synthés).
Elle est ensuite introduite par l’ouverture distale et tunnélisée sous la peau jusqu’a ce qu’elle ressorte par l’ouverture proximale (photo 6).
La réduction est réalisée puis une broche de 1,8 mm est mise en place de manière normograde. Le point d’entrée est postérieur et médial à la crête tibiale, elle est poussée jusque dans la métaphyse distale.
Photo 5 : Choix de la plaque par apposition sur le membre.
Photo 6 : Implantation sous-cutanée de la plaque par tunnélisation.
En décalant les plaies cutanées proximale et distale à l’aide d’un écarteur de Senn-Miller, l’accès aux trous de la plaque est rendu possible. Un guide mèche est positionné, l’axe de forage est oblique afin d’éviter le trajet de la broche centro-médullaire (photo 7).
Les vis les plus distales sont mises en place en premier, l’implantation se fait alors en alternant proximal et distal et en se rapprochant du trait de fracture.
Les plaies sont suturées de manière usuelle après un rinçage abondant (photo 8). Tous les fils de suture utilisés sont résorbables, y compris pour le plan cutané (Polydioxanone dec. 2 –PDS, Ethicon®).
Photo 7 : Mise en place des vis par les fenêtres cutanées.
Photo 8 : Aspect des plaies en post-opératoire.
Des radiographies post-opératoires (photos 9 et 10) montrent une réduction anatomique, la position des implants est correcte, la stabilité du montage est jugée satisfaisante.
Les vis à l’extrémité de la plaque dépassent anormalement du trans-cortex, ce qui est une anomalie classique des montages biologiques, sans conséquences cliniques.
Lorsqu’elles sont forées, la plaque n’est pas parfaitement appliquée sur l’os en raison de l’interposition de tissus dans la zone tunnélisée. En jaugeant les premiers trous percés la valeur lue est donc surestimée, le vissage rapproche alors la plaque de l’os et laisse dépasser la vis qui est alors trop longue.
La récupération post-opératoire est satisfaisante.
Photo 9 : Radiographie du tibia de face après ostéosynthèse.
Photo 10 : Radiographie du tibia de profil après ostéosynthèse.