Fracture du crâne induisant une embarrure
Traitement par résection large du calvarium et utilisation de résine
La reconstruction anatomique n’étant pas possible en partie rostrale, une prothèse en polyméthylmétacrylate (PMM) est réalisée pour couvrir et protéger l’encéphale, avec des résultats encourageants, malgré la décision des propriétaires d’euthanasier l’animal.
Anamnèse
Un chien Yorkshire terrier mâle de 8 ans est présenté à la consultation d’urgence pour un traumatisme crânien dû à un coup de balai. À son admission, l’animal est en décubitus latéral. Il présente
un épistaxis et une déformation du sommet du crâne. L’examen clinique révèle également des difficultés respiratoires : de longues inspirations sont suivies systématiquement d’une phase d’apnée.
L’animal est dans le coma : l’état de conscience est évalué à 8/18 sur l’échelle de Glasgow. L’examen neurologique révèle un myosis bilatéral, des réflexes cornéen et palpébral conservés.
Examens complémentaires
Des radiographies de face et de profil du thorax sont réalisées : aucune anomalie n’est mise en évidence.
On effectue ensuite des radiographies de face et de profil du crâne (figures 1 et 2) : ces dernières montrent une fracture de l’os frontal induisant une embarrure.
D’autres traits de fractures sont visibles latéralement et caudalement (jusqu’à l’occiput).
Figure 1 – Radiographie du crâne en décubitus latéral. Une fracture de l’os frontal induit une embarrure.
Figure 2 – Radiographie de crâne en décubitus ventral. Les traits de fracture s’étendent jusqu’à l’occiput et l’os temporal gauche.
Diagnostic
Ce chien présente une fracture de l’os frontal induisant une embarrure, associée à des signes d’hypertension intracrânienne.
Traitement
Réanimation médicale
L’animal est hospitalisé et monitoré (électrocardiogramme, capnographie, oxymétrie, température, pression artérielle). Une intubation et une ventilation assistée sous 100 % d’oxygène maintiennent la fonction respiratoire.
Une perfusion de mannitol à la dose de 1 g/kg est passée en IV lente, pendant 20 minutes. Un score de Glasgow est mesuré 30 minutes plus tard, puis toutes les 20 minutes. Il ne montre aucune amélioration du statut neurologique.
Le traitement médical se révélant inefficace, une intervention chirurgicale est programmée.
Traitement chirurgical
L’animal reçoit une prémédication avec du midazolam (0,2 mg/kg) et du butorphanol (0,2 mg/kg) puis une induction avec du thiopental par voie intraveineuse, jusqu’à effet (dose théorique 10 à 15 mg/kg). L’entretien de l’anesthésie est réalisé avec de l’isoflurane dans de l’oxygène pur. La douleur est traitée par des bolus de morphine (0,2 mg/kg) administrés à la demande.
Un abord rostro-tentoriel du calvarium est effectué. L’embarrure de l’os frontal est confirmée.
Une fracture séparant les deux os pariétaux et s’étendant jusqu’à l’occiput est visualisée (figure 3).
Figure 3 – Visualisation du calvarium après abord rostro-tentoriel.
L’ablation de l’os frontal est réalisée (figure 4).
Figure 4 – Ablation de l’os frontal. Un hématome sous dural est visualisé.
La reconstruction anatomique étant impossible, le fragment retiré est conservé, il servira d’empreinte pour mouler la prothèse de polyméthylemétacrylate (PMM). Un hématome sous dural est aspiré après ponction et incision de la dure-mère à la lame de bistouri n°11 (figure 5).
Figure 5 – Aspiration de l’hématome sous-dural.
L’hémostase est effectuée à l’aide d’une pince bipolaire (figure 6).
Figure 6 – Hémostatse à l’aide d’une pince bipolaire.
Une sonde échographique entourée d’un manchon stérile permet de visualiser le parenchyme cérébral dans la loge antérieure et d’en valider l’intégrité (figure 7).
Figure 7 – Un manchon stérile est posé sur une sonde échographique (Sonde ESAOT semiconvexe).
Les ventricules sont symétriques et de taille normale. Une lésion focale peu étendue, dont l’échogénicité évoque une hémorragie intra-parenchymateuse, est visible en partie ventrale du lobe temporal gauche (figure 8).
Figure 8 – Visualisation par échographie de l’encéphale. L’asymétrie ventriculaire est discrète et résulte de l’effet de masse créé par l’hémorragie.
L’intégrité du calvarium générant une compression sur l’encéphale est alors retirée : l’ablation s’étend latéralement jusqu’au lobes temporaux. Une lésion corticale très superficielle correspondant à une lacération est identifiée en avant du méat acoustique gauche. La plaie est ensuite abondamment rincée avec une solution saline stérile tiédie.
Deux vis occipitales reliées par un fil sont mises en place : l’ensemble permet la réduction et la stabilisation interfragmentaire du trait de fracture occipital (figure 9).
Figure 9 – 4 vis occipitales et 2 vis rostrales permettront la fixation de la prothèse de PMM.
Deux autres vis sont placées dans l’occiput pour permettre la fixation de la prothèse de PMM (figure 10).
Figure 10 – Visualisation de 2 vis occipitales.
Celle-ci est réalisée en deux temps : la partie rostrale est moulée sur le calvarium retiré au préalable et posée après durcissement pour couvrir l’encéphale antérieur ; deux vis sont posées dans cette première partie de la prothèse (figure 11).
Figure 11 – Pose après durcissement de la partie rostrale de la prothèse.
La deuxième partie, caudale, est posée avant la phase de durcissement : en se refroidissant, le ciment vient noyer les 6 vis et permet la stabilisation de l’ensemble du montage (figure 12).
Figure 12 – La deuxième partie de la prothèse est moulée directement sur l’occiput et le ciment rostral.
Le champ chirurgical est ensuite rincé avec une solution saline stérile tiédie et la plaie est refermée de manière classique.
Résultats et suivi post-opératoire
Les radiographies post-opératoires (figures 13 et 14) montrent que la couverture de l’encéphale antérieur est satisfaisante.
Figure 13 – Radiographie post-opératoire du crâne en décubitus latéral.
Figure 14 – Radiographie post-opératoire du crâne en décubitus ventral.
Le patient est ensuite placé en soins intensifs : une ventilation assistée et un moniteur sont maintenus pendant 48 heures. Un score de Glasgow est mesuré quotidiennement, il montre une amélioration progressive du statut neurologique.
Une alimentation assistée par sonde naso-œsophagienne est également mise en place, et retirée 15 jours après l’intervention, l’animal parvenant à se nourrir seul.
La sortie d’hospitalisation a lieu 4 semaines postopératoires : l’animal est autonome et parvient à se déplacer.
Des contrôles hebdomadaires sont effectués : l’animal marche sur le cercle durant 3 semaines puis une récupération quasi complète est notée, à l’exception d’une anomalie de posture en rapport avec une lésion vestibulaire centrale (figure 15). L’animal est euthanasié 8 semaines après l’intervention en raison de l’apparition de crises convulsives que les propriétaires ont refusé d’explorer et de traiter.
Figure 15 – Photographie du patient 6 semaines après l’intervention.