Présentation clinique
Le cas présenté ici est celui d’un chat européen mâle castré de 5 ans atteint d’une DSI unilatérale faiblement déplacée. Chez le chat, 19 à 27 % des cas de lésions pelviennes comportent une DSI [1]. Lors de DSI, les animaux présentent fréquemment une boiterie avec suppression d’appui ou une décharge du membre, associée à une douleur à la manipulation de l’articulation ou lorsque le chat cherche à se lever [9]. L’instabilité de l’articulation sacro-iliaque peut éventuellement être mise en évidence par la manipulation sous sédation. Lors d’atteinte bilatérale, l’animal est généralement non ambulatoire.
Dans le cas rapporté, aucune information n’a été donnée par les propriétaires à l’admission du chat concernant son comportement mictionnel. Lors de traumatisme du bassin, un examen neurologique minutieux doit être réalisé car une atteinte de l’innervation de la vessie, du sphincter anal et du nerf sciatique peut être associée. Quarante et un pour-cents des lésions du plexus lombo-sacré observées lors d’atteintes pelviennes sont associées à une DSI [7].
Cela se traduit par des anomalies de la sensibilité, des mouvements volontaires et des réflexes. Dans 81 % des cas, la récupération fonctionnelle 16 semaines après la lésion nerveuse est de bonne à très bonne [7].
Imagerie médicale
Bilan lésionnel du bassin : que rechercher ?
Lors de DSI, l’atteinte est unilatérale chez 77 % des chiens et 82 % des chats, et bilatérale chez 23 % des chiens et 18 % des chats [1, 4]. Et des lésions multiples qui limitent l’utilisation des membres postérieurs sont observées chez 85 % des animaux : l’ilium et l’acétabulum ipsilatéraux sont généralement intacts, à l’inverse du côté controlatéral qui présente fréquemment des fractures de l’hémipelvis (ischium, ilium, acétabulum, pubis) et des os longs [9].
Examen radiographique : un diagnostic parfois difficile
Dans le cas décrit ici, l’examen radiographique a mis en évidence l’ensemble des lésions du bassin. Ainsi, un bilan radiographique du bassin permet d’établir un premier bilan lésionnel. L’incidence de face est la vue de référence pour établir le diagnostic. Afin de prévenir des faux négatifs ou des faux positifs, il convient que le positionnement de l’animal soit rigoureux, avec les foramens obturés symétriques (idéalement comme pour une radiographie officielle des hanches). Lorsque la jonction sacro-iliaque est normale, une ligne continue entre la face interne de l’aile de l’ilium et le bord caudal du sacrum est observée (Photo 8).
En revanche, lors de DSI, cette ligne est interrompue et une “marche d’escalier” est notée entre les deux repères osseux [4]. L’ilium est le plus souvent déplacé cranio-dorsalement en raison des masses musculaires (fessiers, ilio-psoas) qui s’insèrent dessus. Ce déplacement est toujours associé à des fractures du pubis, de l’ischium, ou à une disjonction de la symphyse pubienne, comme chez le chat du cas décrit [9]. Un déplacement caudal (rarement observé) indique un délabrement important des masses musculaires.
L’incidence de profil ne permet pas généralement d’établir le diagnostic, mais il est parfois possible d’observer le déplacement de l’aile de l’ilium. Le diagnostic peut être difficile lorsque l’aile iliaque est discrètement déplacée. Dans ce cas, le scanner est l’examen complémentaire qui permet de confirmer ou d’infirmer la présence d’une telle lésion.
Photo 8 - Image radiographique (incidence ventro-dorsale) d’un bassin sain
La ligne de la face interne de l’ilium se confond avec le bord caudal du sacrum (flèches).
Noter l’interruption de cette continuité (ligne radiotransparente) sans aucun changement de direction.
Examen tomodensitométrique
Le scanner ne doit pas remplacer la radiographie. C’est un examen complémentaire qui précise le bilan lésionnel, notamment lorsque des doutes surviennent à la suite de la lecture des images radiographiques ou que des déficits neurologiques existent [6]. Le scanner permet de s’affranchir de la superposition des tissus osseux avec les tissus mous, dont le côlon, qui peut rendre délicate l’interprétation des images radiographiques [6]. Il est aussi plus sensible en ce qui concerne la détection de fractures du sacrum et de l’acétabulum [6, 15]. La reconstruction tridimensionnelle permet de mieux apprécier la topographie des fractures pour planifier l’intervention.
Stabilisation chirurgicale de la DSI : un défi
Quand intervenir ?
Le traitement conservateur d’une DSI peut être envisagé lors d’atteinte unilatérale peu déplacée, sans autre lésion associée. Cela est d’autant plus vrai chez le chat et les chiens de petite taille [9]. Les complications associées au traitement conservateur sont le déplacement du fragment osseux, la sténose du canal pelvien et une constipation [10]. La chirurgie offre une récupération fonctionnelle plus rapide. Elle est recommandée lors de douleur très sévère, d’état non ambulatoire, de déficits neurologiques, de lésions orthopédiques concomitantes ou de déplacement trop important de l’ilium avec une incidence sur la filière pelvienne et l’alignement coxo-fémoral [18].
Le choix de l’option chirurgicale dans ce cas de DSI peu déplacée se justifie par le fait que l’animal est non ambulatoire et qu’il reste douloureux malgré la prise en charge de la souffrance. La réduction des fractures associées permet parfois celle de la DSI [4].
Quelles sont les techniques chirurgicales décrites ?
La réduction de la DSI à l’aide de une ou de deux vis de traction est généralement recommandée [4]. Les autres techniques rapportées, moins utilisées, sont celles qui font appel à un clou transiliosacral, à une broche transiliaque, ou à une broche et à une bande de tension [4]. Cela peut être réalisé à foyer ouvert ou à foyer fermé. La première méthode consiste en un abord dorsal de l’ilium, ce qui permet de visualiser directement l’articulation. Une étude récente rapporte l’emploi de la radiographie intra-opératoire, permettant un meilleur placement de la vis dans le sacrum [14]. La technique à foyer fermé préconise la réduction de la DSI à l’aide de la fluoroscopie ou du scanner [5, 16, 17].
Pourquoi changer d’approche et de technique chirurgicale ?
La difficulté technique pour l’obtention d’une vis correctement placée avec les approches à foyer ouvert constitue un inconvénient majeur. La zone où la vis doit être implantée dans le sacrum est très petite : moins de 1 cm chez un chien de taille moyenne, encore moins pour un chat [9]. Le sacrum d’un chat mesure en moyenne 5,9 +/- 1,14 mm d’épaisseur [13]. Le matériel d’ostéosynthèse peut être mal placé, et ainsi se retrouver dans l’aile du sacrum, dans le disque intervertébral de L7-S1, ou bien être situé trop dorsalement dans l’aile du sacrum et tomber dans le canal médullaire.
La réduction est parfois plus difficile lorsque l’aile de l’ilium est fortement déplacée. Il est probable que, lors de déplacement important de l’ilium, en particulier chez de grands individus, il ne soit pas possible d’obtenir une bonne réduction uniquement par le positionnement favorable de l’animal. L’approche sous scanner repose sur une réduction spontanée liée au positionnement favorable du chat. Les techniques fluoroscopiques guident l’ostéosynthèse, mais aussi la réduction. De plus, elles permettent de maintenir la réduction pendant la mise en place de la broche de fixation temporaire. Tout cela représente un avantage par rapport à la technique par scanner ici décrite.
Le résultat est satisfaisant (vis correctement placée) dans 33 à 87,5 % des cas [8, 13]. De nombreuses études ont été réalisées afin de déterminer des couloirs de sécurité pour une implantation optimale et un risque réduit de mauvais placement [2, 11, 12]. Chez le chat comme chez le chien, les variations anatomiques présentées par le sacrum ne permettent pas d’établir avec exactitude des couloirs de sécurité pour placer la vis. Quel que soit l’angle de forage recommandé, un risque de placement erroné (cranial ou caudal) ou d’effraction dans le canal médullaire est toujours présent.
Les techniques à foyer fermé qui utilisent la fluoroscopie ou le scanner permettent de s’affranchir de cette difficulté technique.
Complications
- Le lâchage de la vis, donc une perte de réduction, constitue la complication la plus fréquemment rencontrée [7].
- Il a été démontré qu’une vis pénétrant moins de 60 % de la largeur du sacrum est plus encline à lâcher [17].
- Néanmoins, le résultat fonctionnel n’est pas forcément mauvais et le diamètre pelvien n’est généralement pas affecté.
- Deux cas suspects d’ostéomyélite, à la suite d’une réduction à foyer fermé à l’aide de la fluoroscopie, ont été rapportés [17].
- Le traitement antibiotique a été efficace chez ces deux animaux.
Abord mini-invasif et ostéosynthèse scannoguidée
Pour réduire la DSI du chat dont le cas est décrit, une réduction à foyer fermé à l’aide du scanner a été décidée. La technique consiste à positionner une vis de traction canulée après la mise en place d’une broche dans le bon axe grâce à un contrôle répété par scanner et à un procédé d’essais, erreurs et corrections. Il s’agit d’une approche mini-invasive qui permet l’ostéosynthèse avec une incision de taille réduite et un traumatisme minimal des tissus mous. Grâce au suivi de la mise en place des implants dans le sacrum, ce type d’abord offre un placement précis de la vis avec un ancrage moyen de 79 % de la largeur du sacrum, d’où un faible pourcentage de lâchages et un retour rapide à l’utilisation du membre opéré [16]. Cela a de nouveau été démontré dans une étude récente comparant les méthodes à foyers ouvert et fermé [5]. Avec l’abord mini-invasif, l’orientation des vis dans le corps du sacrum est également plus adéquate [5]. Néanmoins, il s’agit d’une technique dont la courbe d’apprentissage peut être longue. Une fois maîtrisée, elle permet une diminution du temps opératoire.
Conclusion
À notre connaissance, il s’agit de la première description d’une réduction de DSI par un abord mini-invasif guidé par le scanner. À la différence de la fluoroscopie, cette approche ne permet pas le guidage direct dynamique de la réduction et de l’ostéosynthèse, mais, par un contrôle répété sous scanner et un procédé d’essais, erreurs, corrections, une implantation correcte et un bon résultat fonctionnel ont été obtenus dans le cas décrit.
L’évaluation de cet abord à plus large échelle reste nécessaire.