Le « kyste cérumineux » n’est pas une entité décrite mais plutôt un terme que nous avons utilisé qui décrit le mieux la lésion observée. En effet, une atrésie congénitale du conduit auditif externe a déjà été décrite (Schmidt, 2007).
Dans cette publication, l’atrésie est associée avec le même type de collection liquidienne brunâtre mais cette collection est cantonnée dans la partie du conduit auditif externe horizontal toujours présente. De même le chien avait seulement 9 mois lorsqu’il a développé des signes cliniques.
Il existe donc deux hypothèses concernant notre cas : par analogie avec ce cas décrit, on peut penser que l’atrésie est congénitale et que progressivement l’accumulation de ce fluide cérumineux a dilaté le conduit auditif externe horizontal. Notre bactériologie négative étaye cette théorie. La théorie mise en avant par Schmidt et al. (2007) est la suivante : soit le liquide provenant de l’oreille moyenne n’a jamais été en contact avec l’extérieur (atrésie congénitale) et il est stérile, soit l’atrésie n’a pas toujours été et le liquide doit être infecté car un conduit auditif n’est jamais stérile. En ce qui nous concerne, même si le liquide était stérile, il est cependant difficile d’expliquer pourquoi l’accumulation de fluide n’a causé aucun signe clinique pendant 12 ans.
Deuxième hypothèse, nous ne sommes pas face à une atrésie congénitale mais simplement une sténose sévère du canal (possiblement congénitale) qui a pendant plus de 10 ans permis une évacuation du cérumen et qui pour une raison inconnue a fini par s’occlure en emprisonnant le cérumen formé et ainsi créer la collection liquidienne. La nature stérile du liquide n’est pas en faveur de cette hypothèse comme expliqué ci-dessus. Néanmoins, la fermeture plutôt membraneuse du cul de sac du conduit auditif visible à l’otoscopie et le fait que les symptômes surviennent si tardivement la soutiennent.
D’autres types de lésions kystiques ont été décrits dans cette zone. Les granulomes à cholestérol sont des lésions bénignes, grandissant lentement faite d’un tissu inflammatoire avec des dépôts de cristaux de cholestérol (Riedinger et al., 2012). Les cholestéatomes ont l’apparence d’un kyste avec un épithélium kératinisé stratifié contenant des squames ; ils peuvent être acquis ou congénitaux (Hardie et al., 2008). La cytologie, l’origine ne provenant pas de la bulle tympanique et le caractère très peu agressif de notre lésion n’est pas compatible avec ces deux entités.
En ce qui concerne la technique sur ce cas, les avantages du scanner sont multiples. En premier lieu, c’est la méthode la plus précise pour explorer les bulles tympaniques (Dickie et al., 2003). Par ailleurs, contrairement à l’échographie, qui peut rester un moyen correct d’évaluer les bulles tympaniques, le scanner permet de déterminer précisément la topographie de la collection liquidienne par rapport aux structures adjacentes.
À la fin de la chirurgie, aucun drain n’a été mis en place.
En effet, une fois que la membrane entourant le kyste a été enlevée complètement, la plaie a été refermée comme celle d’une ablation du conduit auditif externe classique en prenant soin de l’hémostase et d’éviter les espaces morts. Il a été publié que l’utilisation d’un drain de Penrose ne permet pas d’obtenir des meilleurs résultats qu’une fermeture en première intention après ce type de chirurgie (Devitt C. et al., 1997).
En ce qui concerne l’antibiothérapie, les bonnes pratiques requièrent un antibiogramme réalisé durant la chirurgie afin d’orienter l’antibiothérapie. En effet, l’indication la plus fréquente de cette chirurgie est l’otite moyenne et externe et la chirurgie est contaminée dans la mesure où un conduit auditif n’est pas stérile, que son nettoyage préopératoire est difficile et que la bulle tympanique qui est ouverte durant la chirurgie ne peut pas être nettoyée. En attendant les résultats de l’antibiogramme il est conseillé de prescrire de l’amoxicilline et de l’acide clavulanique. En effet, des études montrent que les bactéries généralement cultivées après teca-lbo ne sont sensibles à la cefalexine que dans 26 à 70 % des cas (Vogel P. et al., 1999 ; Hettlich et al., 2005) alors que dans notre hôpital, 90 % des bactéries dans ce cas sont sensibles à l’amoxicilline et l’acide clavulanique.
On notera cependant que même si une étude montre que des bactéries persistent dans le site opératoire après un curettage et un « flushage » abondant (Hettlich et al., 2005), la diminution de la charge bactérienne après la chirurgie est en général suffisante pour que les défenses de l’organisme et une antibiothérapie raisonnable (pas d’association, pas d’antibiotique de dernière génération,…) suffisent à prévenir les risques d’infection. Ainsi, il n’est pas rare de réaliser des ablations totales du conduit auditif externe pour des otites à Pseudomonas multirésistants sans qu’aucune infection postoprératoire ne surviennent et ce sans utiliser d’autre antibiotique que l’amoxicilline et l’acide clavulanique.
La chienne n’a présentée aucune récidive depuis la chirurgie il y a 6 mois. Ce cas clinique illustre le fait que les propriétaires d’un animal avec une atrésie du conduit auditif doivent être prévenus que des complications peuvent apparaître. Dans certains cas l’atrésie peut être traitée (Schmidt et al., 2007) si le conduit auditif au-delà de l’atrésie est encore présent. Si le conduit auditif est absent, et si des signes cliniques apparaissent, la teca-lbo est curative. Dans tous les cas, un scanner des bulles tympaniques permet d’orienter au mieux les propriétaires.