Chirurgie carcinologique palliative
Traitement de deux tumeurs successives
Nous décrivons ici les protocoles chirurgicaux qui ont permis une survie de bonne qualité pendant une période de dix mois.
Un chat castré européen de 15 ans a été vu une permière fois en consultation en dermatologie pour la présence d’un nodule alopécique sous le menton, de consistance irrégulière présentant de multiples petites fistules laissant s’écouler un contenu séro-hémorragique (photo 1).
Photo 1 – Carcinome epidermoïde avant la cytoréduction pour préparer la radiothérapie.
Des biopsies ont confirmé la présence d’un carcinome épidermoïde. La propriétaire refusant toute mandibulectomie, une radiothérapie a été décidée. Sur les conseils de l’oncologue, une cytoreduction chirurgicale de la tumeur était nécessaire avant la radiothérapie. Ce chat a donc subi une première intervention pour exciser marginalement le carcinome épidermoïde et refermer la plaie grâce à un double lambeau labial d’avancement (photos 2 et 3).
Photo 2 – Excision marginale de la tumeur
Photo 3 – Fermeture à l’aide de deux lambeaux en pleine épaisseur des lèvres inférieures.
Présence d’un hémangiosarcome
Deux mois après la fin de la radiothérapie, le chat est revenu pour une masse à croissance rapide en avant du pli de l’aine gauche. Une cytoponction de cette masse a révélé une importante contamination sanguine sans pouvoir déterminer le type de tumeur. Dans le mesure où la tumeur pouvait être enlevée largement sans entrainer une reconstruction trop importante, nous n’avons pas réalisé de biopsie et une exérèse avec 5 cm de marges autour de la tumeur a été effectuée.
L’histopathologie a montré la présence d’un hémangiosarcome dermique et sous-cutané. Au contrôle une semaine plus tard, un plage de peau cartonnée est apparue parallèlement à la cicatrice et une déhiscence était présente 3 jours plus tard avec un suitement nauséabond de la plaie. Un culture a montré la présence de 3 bactéries : 2 aérobies (Entérocoque et E.coli) et 1 anaerobie (Prevotella melaninogenica).
Le chat a donc été mis sous enrofloxacine et amoxicilline/acide clavulanique selon les résultats de l’antibiogramme.
Considérant le caractère infectée de la plaie, celle ci a été refermée sur un drain de penrose. Malgré le traitement, l’infection n’a pas été contrôlée et la plaie a du être réouverte pour être traitée.
Sous anesthésie, après débridement des tissus nécrosés, des boucles ont été réalisées tout autour de la plaie afin de pouvoir contenir les compresses changées quotidiennement (bandage en corbeille) (photo 4).
Photo 4 – Suite à la déhiscence de plaie, après le retrait des tissus nécrotiques, des fils sont passés tout auour de la plaie afin de pouvoir s’en servir de point d’attache pour maintenir des compresses en place dans la plaie.
Après 5 jours de soins, une chirurgie a été entreprise pour refermer la plaie (photo 5).
Photo 5 – Plaie avant l’intervention chirurgicale de fermeture.
Compte tenu de la nature précédement septique de la plaie et de la faible vascularisation du lit de la plaie (photo 6), une omentalisation de la plaie a été réalisée avant la reconstruction cutanée.
Photo 6 – La tête du chat est vers la gauche. Plaie après parage des bords
Pour ce faire, une petite incision a été réalisée sur la ligne blanche afin d’attraper l’omentum qui est ensuite étalé dans toute la plaie et fixée au fascia sousjacent par quelques points simples (photo 7).
Photo 7 – L’omentum a été extériorisé par une petite plaie au niveau de la ligne blanche
Puis, une reconstruction cutanée a été réalisée pour refermer la peau sans tension. Dans un premier temps, la peau du pli de l’aisne a été mobilisée(photos 8 à 11).
Photo 8 – Le trait en violet simule l’incision nécessaire pour mobiliser le plie de l’aisne.
Photo 9
Photo 10 – Le lambeau de peau est mobilisé…
Photo 11 – … et suturé au niveau le plus caudal de la plaie.
Afin de pouvoir refermer la partie la plus caudale de la plaie, une incision de relâchement a dû être pratiquée (photo 12).
Photo 12 – Une incision de relâchement est réalisée pour diminuer les tensions sur le lambeau de peau.
Deux drains aspiratifs ont été placés afin d’éviter les collections à l’intérieur des cuisses (photos 13 et 14).
Photo 13 – Les deux drains se prolonge jusqu’entre les cuisses.
Photo 14 – Plaie après sutures
Ces drains ont pu être retirés 48 heures après la chirurgie car ils ne produisaient pas (photo 15). Aucune complication n’a été rencontrée durant la cicatrisation et les points ont pu être retirés 3 semaines plus tard.
Photo 15 – Après le retrait des drains. Le chat est un peu « serré dans son costume » mais il n’y a pas de tension excessive sur la peau.
Deux mois plus tard, on constatait que les poils avaient bien repoussé (photo 16).
Photo 16 – Le résultat deux mois après
Les intérêts de l’omentum
L’omentum est un allié précieux de tous chirurgiens et son surnom de « sentinelle de l’abdomen » n’est pas exagéré.
Son rôle ne se limite cependant pas aux chirurgies abdominales et on peut tout aussi bien l’utiliser dans certaines chirurgies thoraciques 1 que reconstructices comme dans notre exemple. Le grand omentum et le petit omentum sont attachés à l’estomac au niveau de la grande et de la petite courbure respectivement. La partie bursique de l’omentum s’attache le long de la grande courbure à l’exception de la partie gauche qui passe dorsalement à l’estomac et rejoint le petit omentum pour fermer la bourse omentale. La partie splénique de l’omentum forme le ligament gastrosplénique.
L’omentum est une source de riche vascularisation, a des capacités d’absorption importante et est une source de facteurs angiogéniques ainsi que des cellules de l’immunité. Une étude a montré qu’après extension, il peut atteindre n’importe qu’elle zone du corps chez le chien (du museau au bout des pattes)2.
En ce qui concerne les tumeurs de ce chat, les carcinomes épidermoïdes buccaux chez le chat sont de pronostic plus réservé que chez le chien car ils touchent en général la langue, le pharynx ou les amygdales. Les carcinomes mandibulaires sont plus rare et pourraient avoir un pronostic meilleur. Sur les peu de cas reportés, le taux de survie à un an est de 57 % et la moyenne de survie à environ 14 mois lorsque la chirurgie est combinée avec la radiothérapie.
Les carcinomes épidermoïdes chez le chat ne sont cependant pas les tumeurs les plus radiosensibles et aucune chimiothérapie n’est efficace.
Chez le chat les hémangiosarcomes cutanés et sous cutanés ont un taux de récidive important 60-80% et même lorsque l’exérèse est complète, une étude sur 10 chats a montré un taux de récidive moyen à 4 mois. Pour l’instant le chirurgie est cependant le meilleur traitement à proposer.
Ce chat a finalement été euthanasié 10 mois après le diagnostic de carcinome épidermoïde car pour la première fois depuis qu’il était traité il refusait de s’alimenter. A ce moment, on observait une récidive du carcinome épidermoïde mandibulaire sous la forme d’une lésion ulcérée qui s’étendait. Il n’y avait à ce moment aucune trace de récidive de l’hémangiosarcome ni aucune complication de plaie. L’utilisation de l’omentum dans ce cas a permis de refermer une plaie importante et précédemment infectée sans complication.