Les dysrythmies d’origine extracardiaque chez le chat et le chien

Comprendre les causes, les symptômes et le traitement des dysrythmies extracardiaques chez les chats et les chiens

Sommaire

  • Les affections cardiaques et les affections non cardiaques sont responsables de dysrythmies.

  • De nombreuses maladies, métaboliques, endocriniennes, tumorales, états de chocs, … et autres états pathologiques (intoxications, dysfonctions autonomes, …) sont responsables de dysrythmies chez le chien.

Auteur : Dr. E. Bomassi 08-08-2013 Centre Hospitalier Vétérinaire des Cordeliers, 29 avenue du Maréchal Joffre, 77100 Meaux. E-mail : ebomassi@chvcordeliers.com Cet article a été publié dans : Le Nouveau Praticien Vétérinaire – Canine-féline (juin 2013) vol 12 / n°54 : p 37-41

 Objectifs pédagogiques

  1. Connaître les différentes et nombreuses causes de dysrythmies d’origines extracardiaques
  2. Connaître les principales anomalies électrocardiographiques d’origine extra cardiaque
  3. Comprendre la genèse des troubles du rythme d’origine extra cardiaque

Crédit de formation continue

La lecture de cet article ouvre droit à 0,05 CFC. La déclaration de lecture, individuelle et volontaire, est à effectuer auprès du CNVFCC. 

Points essentiels

  1. De nombreuses maladies, métaboliques, endocriniennes, tumorales, états de chocs,… et autres états pathologiques (intoxications, dysfonctions autonome,…) sont responsables de dysrythmies.
  2. Les dysrythmies observées sont très variées : bradycardies et bradyarythmies, tachycardies et tachyarythmies, rythmes soutenus, blocs de conductions,… et s’associent souvent à des anomalies morphologiques du tracé.

Les dysrythmies d’origine extracardiaque chez le chat et le chien

Résumé

Les troubles du rythme cardiaque, qu’ils soient transitoires ou permanents, sont souvent observés lors de maladies cardiaques, mais ils peuvent aussi être secondaires à des maladies systémiques. La liste des affections non cardiaques pouvant conduire à une dysrythmie est très longue. À cette liste s’ajoute l’ensemble des dysrythmies d’origines médicamenteuses ou toxiques. Ces troubles du rythme peuvent se traduire cliniquement et majorer les symptômes liés à la maladie causale. Leur identification est nécessaire, et doit s’envisager systématiquement lors de certaines affections particulières. Cet article envisage les différentes causes non cardiogéniques de dysrythmies, ainsi que les différents types observés.

Comprendre la relation entre système nerveux autonome et dysrythmies

Le fonctionnement cardiaque, principalement sa modulation en rythme et en fréquence est sous la dépendance du système nerveux autonome, composé du système sympathique (orthosympathique) et du système parasympathique. Cette modulation est nécessaire à l’adaptation de la fréquence et du rythme cardiaque aux différentes conditions rencontrées par l’organisme.

  1. Le système sympathique est cardio stimulateur, médié par les catécholamines, adrénaline et noradrénaline. Dans des conditions normales, l’augmentation du tonus sympathique entraîne une tachycardie sinusale (photo 1), une augmentation de l’excitabilité et un raccourcissement de l’intervalle P-Q.
  2. Le système parasympathique est cardioinhibiteur, médié par l’acétylcholine. Dans des conditions normales, l’augmentation du tonus parasympathique se traduit par une bradycardie sinusale (photo 2), une diminution de la conduction atrioventriculaire, une diminution de l’excitabilité ventriculaire et une augmentation de l’excitabilité atriale.

➜ La mise en œuvre de ces deux systèmes,équilibrée ou non, dans des conditions normales ou pathologiques, se traduit par des évolutions de la fréquence et du rythme cardiaque, avec apparition possible de dysrythmies.

photo 1

Photo 1 : Tachycardie sinusale physiologique (photos E. Bomassi)

photo 2

Photo 2 : Bradycardie sinusale physiologique

L’arythmie sinusale respiratoire

L’arythmie sinusale respiratoire est la principale arythmie physiologique; elle rend compte du bon fonctionnement des deux systèmes (photo 3).

Le rythme est sinusal, la fréquence cardiaque s’accélère à l’inspiration par l’inhibition principale du tonus vagal et par l’action du tonus sympathique, puis se ralentit à l’expiration par la stimulation du tonus vagal et l’inhibition du tonus sympathique.

photo 3

Photo 3 : Arythmie sinusale respiratoire, alternance cycliqued’accélération et de ralentissement de la fréquencecardiaque.

Les autres arythmies physiologiques

D’autres arythmies physiologiques sont décrites.

- Ainsi, une tachycardie avec une possible extrasystolie supraventriculaire ou ventriculaire est observée lors d’un exercice, d’une peur, d’un effort ou d’un stress (consultation pré-anesthésique) [16], d’une douleur importante traumatique, neurologique [27] ou post-opératoire [9]. Dans ce dernier cas,les arythmies sont significatives, fréquentes (extrasystolie atriale dans 32 p. cent des cas), et potentiellement graves.

- À l’inverse, une bradycardie avec des blocs de conduction, le plus souvent atrioventriculaires (BAV 1 et 2), présents lors d’hypertonie vagale peuvent être :

  • d’origine connue : tumeurs cérébrales,cervicales ou thoraciques(par exemple, uncarcinome thyroïdien), et localisées le long du trajet du nerf vague, maladie respiratoire sévère ou chronique (syndrome brachycéphale), vomissements ou ténesme ;
  • d’origine inconnue, diagnostiquée lors d’une consultation pré-anesthésique [1, 15], troubles du rythme supraventriculaires (extrasystoles, fibrillation atriale isolée) lors d’état de choc [31].

Ces dysrythmies sont le plus souvent réversibles spontanément, lorsque la condition de leur survenue est résolue.

Par ailleurs, l’action de nombreuses molécules chimiques naturelles ou médicamenteuses influence le bon fonctionnement des deux systèmes, et se traduit par des dysrythmies : tachycardies ou bradycardies, sinusales ou non, avec blocs de conduction et/ou extra-systolie. C’est particulièrement le cas lors de sur stimulation catécholergique ou cholinergique, d’origine réflexe endogène (douleur, stress, pression artérielle, …) ou exogène (anesthésie, réanimation, …) [181923].

Maladies métaboliques ou endocriniennes et dysrythmies

Dysrythmies et troubles électrolytiques

  • Les mouvements ioniques entrant et sortant d’une cellule cardiaque sont à l’origine du potentiel d’action responsable de la dépolarisation cellulaire. Les principaux ions impliqués dans cette dépolarisation sont le sodium, le potassium et le calcium.
  • Toute modification ionique entre le milieu intracellulaire et le milieu extracellulaire est susceptible d’induire des altérations du potentiel d’action, et ainsi des dysrythmies ou des anomalies morphologiques du tracé électrocardiographique. 

Dysrythmies et calcium

  • Les maladies principales qui entraînent des perturbations calciques en hypo ou en hyper sont l’hyperparathyroïdisme, l’hypoparathyroïdisme, les pancréatites, l’insuffisance rénale, les tumeurs avec ostéolyse importante. Les injections intraveineuses de calcium qui traitent la tétanie puerpérale sont génératrices d’une hypercalcémie transitoire.
  • Une hypercalcémie se traduit par une élévation du segment S-T et l’apparition d’extrasystoles.
  • Une hypocalcémie allonge l’intervalle Q-T

Dysrythmies et sodium

  • Les dysrythmies sont rares lors d’anomalies sodiques.

Dysrythmies et potassium

Les maladies responsables de dyskaliémie sont nombreuses, et les répercussions d’une hyperkaliémie ou d’une hypokaliémie très fréquemment génératrices de dysrythmies, l’ion potassium étant le principal ion intracellulaire.

Les causes principales d’une hyperkaliémie sont l’insuffisance rénale aiguë, l’hypocorticisme, une obstruction urétrale, une déchirure vésicale. De même, toute condition provoquant une cytolyse massive (traitements de chimiothérapie, acidose métabolique, traumatisme,hépatite, …) s’accompagnent d’une hyper-kaliémie. Les excès d’apport (perfusion de Ringer-Lactate, complémentation potassique intra-veineuse) ou l’emploi de molécules d’épargne (certains diurétiques) sont également concernés.

Une hyperkaliémie se traduit par une bradycardie sinusale [3], une augmentation de l’amplitude de l’onde T, un aplatissement de l’onde P. Dans les cas sévères, il est observé une paralysie atriale, encore appelée “oreillette silencieuse” (photo 4), des blocs de conduction(atrio-ventriculaire ou de branche), mais aussi des arythmies à fréquence élevée :tachycardies supraventriculaire ou ventriculaire, fibrillation atriale (photo 5) ou ventriculaire [24]. Néanmoins, il n’y a pas de corrélation nette chez le chien entre l’apparition, le type d’arythmie observée et la concentration en potassium [30].

photo 4

Photo 4 : Bradycardie sans onde P : - Syndrome de “l'oreillette silencieuse” secondaire à une hyperkaliémie lors d’une maladie d'Addisson.

En pratique
Une hypercalcémie se traduit par une élévationdu segment S-T et l’apparition d’extrasystoles, une hyperkaliémie par une bradycardie sinusale, une augmentation de l’amplitude de l’onde T, un aplatissement de l’onde P, et une hypocalcémie allonge l’intervalle Q-T.

photo 5

Photo 5 : Un exemple de fibrillation atriale : - tachycardie irrégulière non sinusale(photo E. Bomassi)

Les causes principales d’une hypokaliémies ont principalement les pertes digestives (entéropathies, gastropathies), rénales (insuffisance rénale, hypercorticisme), ou iatrogènes avec l’emploi de molécule kaliurétiques (diurétiques de l’anse en particulier).

Les modifications électrocardiographiques observées lors d’hypokaliémie sont un allongement de l’intervalle Q-T, une sous-dénivellation S-T, une diminution de l’amplitude de l’onde T et une bradycardie sinusale. Ces modifications rythmologiques sont inconstantes chez le chien, pour des valeurs très basses de potassium, et rarement symptomatiques. Dysrythmies et maladies endocriniennes ou neuroendocriniennes.

Les endocrinopathies, et en conséquence les dysfonctionnements hormonaux de l’organisme, peuvent être responsables de dysrythmies. Les troubles sont très variés : bradycardies ou tachycardies, blocs de conductions, extrasystolies, fibrillations, modifications morphologiques du tracé, …

C’est en particulier le cas lors de thyréotoxicose. Celle-ci se manifeste par une tachycardie sinusale, la présence d’extrasystoles atriales ou d’un flutter atrial[11]. À l’inverse, une hypothyroïdie peut s’accompagner d’une bradycardie, d’un bloc de conduction, voire d’un arrêt sinusal.

C’est aussi le cas lors de maladies pancréatiques et de diabète déséquilibré avec hypoglycémie, induisant une bradycardie sinusale [21], lors de tumeurs tels les phéo-chromocytomes malins responsables de tachycardie ou de bradycardie réflexe [4], ou certaines tumeurs digestives neuro-endocrines accompagnées d’une tachycardie ventriculaire paroxystique [32].

Dysrythmies et autres maladies

De nombreuses maladies locales ou systémiques sont aussi responsables de dysrythmies. Ce sont des maladies infectieuses, des traumatismes ou des états de chocs, l’hypoxie, quelle que soit sa cause.

Le syndrome dilatation-torsion de l’estomac

La dilatation et la torsion de l’estomac provoquent fréquemment une arythmie ventriculaire isolée ou en salves (tachycardie ventriculaire (photo 6)). Les raisons d’un tel trouble sont multiples : choc hypovolémique, ischémie et nécrose gastriques, libération de radicaux libres cardiotoxiques, hypoxie myocardique [5, 22].

C’est également le cas lors de torsion ou de tumeur splénique. Parfois, des tracés inhabituels peuvent être rencontrés, tel un bloc de conduction sinoatrial avec un rythme d’échappement atrial bas [17].

photo 6

Photo 6 : Tachycardie ventriculaire rapide lors de syndromedilatation torsion de l’estomac (photo E. Bomassi).

Traumatismes et autres états de chocs

Les dysrythmies observées dans les états post-traumatiques ou les états de chocs sont principalement des extrasystoles ou des tachycardies, supraventriculaires ou ventriculaires, secondaires au traumatisme lui-même sur le myocarde (tachycardie ventriculaire lente, suite à un accident de la voie publique, et un traumatisme thoracique [25]), secondaires au trouble métabolique généré par l’état de choc (fibrillation atriale lente lors d’hypothermie majeure [6]), à un traumatisme crânien [13].

Ces arythmies peuvent nécessiter un traitement adapté, ou sont résolues spontanément lors du retour à des conditions organiques ou fonctionnelles normales.

Maladies infectieuses

Des arythmies supraventriculaires et ventriculaires, ainsi que des bradyarythmies sont fréquentes lors de maladies infectieuses virales ou bactériennes telles que les pancréatites, les prostatites, les pyomètres [32].

Des infections parasitaires comme les babésioses ou les maladies à morsures de tiques ont également des répercussions rythmologiques ou morphologiques sur le tracé ECG : blocs de conductions (7 p. cent des cas), arythmies ventriculaires (7 p. cent des cas), anomalies morphologiques (13 à 42 p. cent des cas) [10].

Autres maladies

De manière anecdotique, d’autres maladies de type dysimmunitaires peuvent induire des arythmies, résolutives avec le traitement de la maladie causale [28].

Les effets secondaires médicamenteux, surdosage, intoxications, empoisonnements et dysrythmies

De très nombreuses molécules chimiques sont susceptibles d’induire des dysrythmies chez le chien.

Ce sont :

  • soit des médicaments utilisés aux doses thérapeutiques ou à des doses potentielle-ment toxiques lors de surdosages : certains médicaments sont d’ailleurs prescrits pour traiter les maladies cardiaques et l’insuffisance cardiaque;
  • soit d’autres composés non médicamenteux qui provoquent intoxications et empoisonnements.

Médicaments et traitements des maladies cardiaques

Effets des digitaliques

Les digitaliques, avec la digoxine en chef de file, est un vagotonique qui agit directe-ment sur la cellule cardiaque bloquant l’entrée du potassium.

Des dysrythmies apparaissent le plus sou-vent lors de surdosage, et se traduisent par une bradycardie et l’apparition de blocs de conduction sinoatrial ou atrioventriculaire.Ceux-ci peuvent parfois être sévères et occasionner la survenue de rythmes de secours (rythmes d’échappements). De plus, l’excitabilité myocardique est augmentée et se manifeste par une extrasystolie ventriculaire ou atriale, parfois soutenue(tachycardie supraventriculaire ou ventriculaire).

Le type et l’importance du trouble rythmologique dépendent de la dose administrée pour un animal donné, et de l’importance de sa maladie cardiaque.Antiarythmiques et médications cardiologiques

La majorité des antiarythmiques ou d’autres molécules (sympathomimétiques, vagolytiques) utilisés en cardiologie chez le chien sont également proarythmogènes. Les troubles sont très variés : tachycardies,bradycardies, extrasystolies, blocs de conductions divers, …

Les dysrythmies les plus fréquemment décrites concernent le diltiazem. Lors de surdosages apparaissent bradycardies et blocs de conduction, parfois sévères (photo 7[71229]. Ces troubles sont résolutifs spontanément à l’arrêt du traitement.

photo 7

Photo 7 : Bradycardie importante avec pauses sinusales et échappements jonctionnels lors de surdosagemédicamenteux.

Dysrythmies et autres médicaments

  • L’éventail de la pharmacopée vétérinaire et humaine est si vaste qu’il n’est pas possible de lister l’ensemble des molécules à l’origine d’anomalies rythmologiques éventuelles.
  • Néanmoins, certains médicaments sont bien identifiés.

➜ C’est le cas de l’adriamycine ou doxorubicine, responsable d’une hyperexcitabilité et d’extrasystoles (photo 8[27], des méthylxanthines [7], de certains antibiotiques [7], ou encore de la phénylpropanolamine [8].

photo 8

Photo 8 : Extrasystolie ventriculaire isolée et en salves(photoS E. Bomassi).8Suite p. 41

Dysrythmies et intoxications

  • De même il n’est pas possible d’être exhaustif sur tous les toxiques induisant des dysrythmies.
  • Les effets indésirables rythmo-logiques de certains produits “phares” sont néanmoins bien connus.
  • Les insecticides organophosphorés ou carbamates et la nicotine sont tachycardisants et augmentent l’excitabilité atriale ou ventriculaire (extrasystolies) [7].
  • À l’inverse, les sédatifs ou certaines drogues (cannabis) sont bradycardisants [7].
  • Certaines essences végétales (arbre à café) ont également un effet sur le rythme cardiaque, bien que ces descriptions soient très anecdotiques … [33].

Dysrythmies et envenimations

Les envenimations par les batraciens ou les ophidiens s’accompagnent de tachycardies,parfois alternant avec une bradycardie, et l’apparition d’éventuelles extrasystoles [726]

Conclusion

  • Les différentes conditions rencontrées par l’organisme sont responsables de modulation du rythme et de la fréquence cardiaque.
  • Les maladies métaboliques et endocrininnes entraînent ainsi des dysrythmies .Celles-ci peuvent être consécutives à des maladies infectieuses, des traumatismes, des états de chocs …
  • En outre, les dysrythmies peuvent être induites par des effets secondaires de médicaments, ou être liés à des surdosages, à des intoxications, ou à des empoisonnements.

Formation continue

  1. Un effort, un stress, … peuvent provoquer chez le chien : a. Une tachycardie b. Une bradycardie c. Un trouble du rythme supraventriculaire d. Un trouble du rythme ventriculaire
  2. Les arythmies rencontrées lors de SDTE peuvent être secondaires à : a. L’état de choc hypovolémique b. Une hypoxie myocardique c. La libération de radicaux libres suite à l’hypoxie et nécrose gastrique d. La consultation d’urgence
  3. L’hyperkaliémie est responsable d’une bradycardie avec paralysie atriale chez le chien : a. Toujours b. Jamais c. De la même manière que chez le chat d. De manière non corrélée aux valeurs du potassium, sauf pour des valeurs élevées

Références

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