Cardiomyopathie dilatée forme classique : prise en charge et suivi à long terme
Photo 1. Fibrillation atriale rapide chez ce chien. Tachycardie irrégulière non sinusale.
Cas clinique
Anamnèse et commémoratifs
Un chien Cane Corso de 5 ans est présenté pour l’exploration d’un souffle systolique apexien gauche de grade 2/6 associé à une tachyarythmie, détectés lors d’une consultation vaccinale.
Les propriétaires rapportent une fatigabilité modérée à l’effort depuis quelques semaines. L’animal n’a jamais présenté d’autres symptômes et n’a aucun antécédent pathologique.
Examen clinique
Le chien est en bon état général. Ses muqueuses sont roses, le temps de recoloration capillaire est augmenté (2,5 secondes).
L’auscultation cardiaque révèle une tachycardie (200 battements par minute (bpm)) associée à un rythme très irrégulier (tachyarythmie) et un souffle systolique apexien gauche de grade 2/6.
Le pouls fémoral (90 bpm) n’est pas synchrone du choc précordial (200 bpm).
La fréquence respiratoire est normale (20 mouvements par minute) ainsi que l’auscultation pulmonaire.
Le reste de l’examen clinique est normal.
Examens complémentaires
Examen radiographique du thorax
Des radiographies thoraciques ont été effectuées par le vétérinaire traitant et ont révélé une cardiomégalie globale sans signes congestifs associés.
Examen électrocardiographique
Un électrocardiogramme est réalisé (D1, D2, D3, 25 mm/s, 0,5 cm = 1 mV). La fréquence cardiaque moyenne est de 234 bpm. Les ventriculogrammes ont une allure supraventriculaire. Les intervalles R-R sont irréguliers et les ondes P absentes (photo 1). Il s’agit d’une fibrillation atriale rapide (FA). N.B. : une fibrillation atriale est observée dans plus de 40 % des cas de cardiomyopathie dilatée forme classique [1].
Examen échocardiographique
Une échocardiographie révèle une dilatation atriale et ventriculaire gauches importantes (AG/Ao = 2,9) (tableau 1, photos 2 et 3).
Le myocarde paraît aminci. Les valves ont un aspect normal. L’examen temps mouvement permet de visualiser des dimensions ventriculaires gauches très augmentées en systole et en diastole (VGd = 66,1 mm ; VGs = 57,9 mm ; distance E-septum (E-S) = 20,7 mm) (tableaux 1 et 2, photos 4 et 5) [3,4].
La contractilité est faible (fraction de raccourcissement (FR) = 13 % ; fraction d’éjection (FE) = 13 % (PHOTOS 4 ET 6) [2,5,6]. L’indice de sphéricité (IS) est diminué (IS = 1,13) (tableaux 2 et 2, photos 3 et 4) [2,3]. N.B. : par analogie à la cardiologie humaine [5], une fraction d’éjection inférieure à 40 % est le témoin d’une baisse d’inotropisme chez le Chien.
L’examen Doppler met en évidence un flux transmitral restrictif (temps de décélération de l’onde E mitrale = 50 ms < 80 ms) [1], un flux d’insuffisance mitrale et un flux d’insuffisance tricuspidienne minimes fonctionnelles (respectivement Vmax = 3,65 m/s et Vmax = 2,65 m/s).
Conclusion des examens complémentaires
L’échocardiographie identifie une dilatation atriale gauche, des dimensions systoliques et diastoliques ventriculaires gauches augmentées, une augmentation de la sphéricité ventriculaire gauche (IS < 1,65), une FE < 40 % et une augmentation de E-S > 6,5 mm [2,3].
L’électrocardiogramme identifie une fibrillation atriale rapide.
Coupe petit axe transaortique obtenue par voie parasternale droite. Importante dilatation atriale gauche (AG/Ao = 2,9).
Coupe grand axe 4 cavités obtenue par voie parasternale droite. Dilatation ventriculaire gauche et mesure de la longueur base-apex télédiastolique (D2).
Coupe petit axe transventriculaire en mode Temps-Mouvement obtenue par voie parasternale droite. Dimensions ventriculaires augmentées en systole et en diastole. Mesure de l’indice de sphéricité (IS) : l’indice de sphéricité se défi nit comme le rapport entre la longueur base-apex télédiastolique du ventricule gauche en mode bidimensionnel (D2, photo 3) et le diamètre télédiastolique de cette même cavité mesurée au mode TM (DTD). IS = 1,13 ; IS normal > 1,65 [2].
Coupe petit axe transmitrale en mode Temps-Mouvement obtenue par voie parasternale droite. Distance E-Septum (E-S) = 20,7 mm, augmentée [3].
Coupe grand axe 4 cavités obtenue par voie parasternale droite. Calcul des volumes ventriculaires diastoliques (VTD), systoliques (VTS), et de la fraction d’éjection (FE) par la méthode de Simpson monoplan [6].
Conclusion diagnostique
Selon les critères de diagnostic des CMD formes classiques établis par Dukes et coll. [2] (encadré 1), le chien obtient un score de 12 points. Le diagnostic de CMD (forme classique) est ainsi établi.
Traitement
Le traitement suivant est mis en place :
- inhibiteur de l’enzyme de conversion (IECA) : 0,36 mg/kg/jour de bénazépril une fois par jour
- inodilatateur : 0,18 mg/kg/jour de pimobendane 2 fois par jour association digoxine/diltiazem : 4,5 μg/ kg/jour de digoxine une fois par jour associée à 2,15 mg/kg/jour de diltiazem 2 fois par jour.
Un effet favorable de l’association IECA et pimobendane chez des animaux atteints d’une CMD et en phase symptomatique a été démontré [7,8].
La digoxine a un effet chronotrope négatif et inotrope positif. En association avec le diltiazem, elle permet le contrôle de la fréquence cardiaque lors de fibrillation atriale [9].
En l’absence de signes congestifs, il n’est pas indiqué de dispenser un traitement diurétique.
Suivi
L’ensemble des éléments cliniques, de l’évolution de la thérapeutique et des examens complémentaires du suivi est indiqué dans le (tableau 3).
Six jours après le dernier examen, le chien est euthanasié au domicile des propriétaires suite à une brusque dégradation de son état général.