Masse cardiaque
Apport diagnostique d’une ponction échoguidée
L’analyse histologique, nécessitant un mode de prélèvement très invasif, reste l’outil diagnostique le plus sensible.
La cytoponction à l’aiguille fine constitue une alternative moins invasive que la biopsie et elle-même plus sensible, a priori, que l’analyse du liquide d’épanchement seul dans l’investigation étiologique.
Un chien berger australien mâle entier de 10 ans est présenté en urgence pour un abattement et une tachypnée évoluant depuis 24 heures. Trois semaines auparavant, le chien est présenté chez son vétérinaire traitant pour un abattement et une dysorexie évoluant depuis 48 heures. Une échographie met en évidence un épanchement péricardique avec tamponnade cardiaque.
Une péricardiocentèse permet de retirer 120 ml de liquide d’aspect hémorragique et l’examen cytologique identifie un hémopéricarde inflammatoire. Aucune cellule tumorale n’est observée.
De la prednisolone à 0,5 mg/kg deux fois par jour est prescrite sur une suspicion de péricardite. Des contrôles échographiques à 1, 4 et 15 jours après la ponction ne révèlent aucune récidive de l’épanchement. La veille de son admission, le chien présente un abattement et une tachypnée au repos.
Examen clinique
L’animal est très abattu et non ambulatoire. L’état d’hydratation et la température rectale (38,2 °C) sont normaux.
Ses muqueuses sont pâles et le temps de recoloration capillaire inférieur à deux secondes.
Il est en tachycardie à 180 battements par minute (bpm), en tachypnée à 60 mouvements par minute (mpm) et présente une dyspnée mixte.
La palpation montre un pouls fémoral paradoxal. Un assourdissement bilatéral des bruits cardiaques est ausculté.
Le reste de l’examen ne présente pas d’anomalie.
Hypothèse diagnostique principale
Une récidive de l’épanchement péricardique associée à une tamponnade cardiaque est suspectée.
Examens complémentaires
Une échocardiographie révèle la présence d’un épanchement péricardique associé à une tamponnade. Une péricardiocentèse est alors réalisée.
L’animal n’est pas sédaté en raison de son abattement marqué. Il est positionné en décubitus latéral gauche.
Une partie de l’hémithorax droit est tondue, nettoyée et désinfectée. Un cathéter 13 G, un robinet trois voies et une seringue de 50 ml sont utilisés.
L’approche est effectuée au niveau au 4e espace intercostal. Toute la procédure se déroule avec une surveillance électrocardiographique (ECG) pour contrôler la survenue de troubles du rythme.
Aucune arythmie n’est objectivée pendant l’intervention.
Au total, 130 ml d’hémopéricarde sont drainés. Des échantillons du liquide sont conservés dans des tubes sec et EDTA pour une analyse cytologique en laboratoire.
Un contrôle échocardiographique permet de visualiser la levée de la tamponnade et un faible volume d’épanchement résiduel.
À la suite de l’intervention, les fréquences cardiaques et respiratoires sont normalisées et les muqueuses sont roses.
Une numération-formule sanguine, un bilan biochimique, un ionogramme et l’évaluation des temps de coagulation sont également réalisés (tableau 1).
Une anémie modérée et une légère neutrophilie sont mises en évidence. La thrombocytopénie est infirmée au frottis sanguin. Les PAL légèrement augmentées sont interprétées comme une conséquence du traitement corticoïde précédemment mis en place. Une élévation des enzymes hépatiques peut cependant être observée lors d’hémangiosarcome1.
Le reste du bilan biologique est normal.
Une échocardiographie de contrôle 24 heures plus tard confirme l’absence de recollection de l’épanchement. Elle met en évidence une masse volumineuse et hétérogène, de 3,5 cm sur 5,3 cm, localisée sur la paroi atriale et auriculaire droite, avec une extension pédiculée dans l’atrium droit (fig. 1).
Fig. 1 – Image échocardiographique de la masse (coupe parasternale droite petit axe trans-aortique).
Ep : épanchement péricardique résiduel, AD : atrium droit, Ao : Aorte, AG : atrium gauche.
Une masse de 3,5 cm sur 5,3 cm adhérente à la paroi de l’atrium et de l’auricule droit est visualisée
Une échographie abdominale révèle l’absence d’épanchement et la présence de nodules spléniques suspects.
Une cytoponction échoguidée de la masse cardiaque est réalisée (fig. 2).
Fig. 2 – Cytoponction échoguidée de la masse cardiaque.
L’aiguille est suivie par image échographique tout le temps de la procédure.
Cytoponction échoguidée de la masse cardiaque. L’aiguille est suivie par image échographique tout le temps de la procédure.
L’animal, vigile et non sédaté, est positionné en décubitus latéral gauche avec une surveillance ECG. Le choix du décubitus est conditionné par la localisation de la tumeur.
Une aiguille 22 G et une seringue de 2 ml sont utilisées.
Des étalements sur lame sont réalisés pour être analysés au laboratoire, avec le liquide d’épanchement prélevé lors de la péricardiocentèse.
Un premier examen cytologique est cependant réalisé sur place (fig. 3). Il met en évidence de multiples amas de cellules rondes à ovoïdes, parfois fusiformes et de taille moyenne. Les noyaux sont ronds à ovales, avec un ou plusieurs nucléoles.
Le cytoplasme apparaît modérément abondant et souvent microvacuolisé. L’examen cytologique complémentaire réalisé par le laboratoire est en faveur d’une tumeur maligne de type sarcome, dont l’aspect évoque en priorité un hémangiosarcome.
L’épanchement péricardique présente de nouveau les caractéristiques d’un hémopéricarde, sans présence de cellules tumorales.
Fig. 3 – Observation microscopique de la cytoponction (x 100). Coloration au RAL555.
Observations de cellules ovoïdes à fusiformes, avec un rapport nucléocytoplasmique élevé et un cytoplasme microvacuolisé, fortement évocatrices de cellules sarcomateuses (flèches)
Diagnostic
Le chien présente un hémangiosarcome de l’atrium droit, potentielle métastase d’une tumeur splénique, et un épanchement péricardique responsable d’une tamponnade cardiaque.
Traitement et suivi
Après décision des propriétaires, une péricardectomie palliative par cœlioscopie est réalisée. Le choix de cette intervention est motivé par l’amélioration du confort de vie de l’animal en évitant les recollections d’épanchement et donc les péricardiocentèses répétées.
L’exploration de l’hémithorax droit ne montre pas d’anomalie. Une section du médiastin est obtenue par fusion tissulaire. Le péricarde est élevé à la pince, puis une fenêtre est ouverte.
Une résection de 5 cm2 est réalisée ventralement, puis la fenêtre est agrandie en filet. La résection de la masse n’est pas réalisable en raison de son emplacement et de sa vascularisation.
Aucune hémorragie majeure, hypotension ou arythmie significative n’est survenue pendant l’intervention.
Après 24 heures d’hospitalisation, le chien est rendu à ses propriétaires.
Trois semaines plus tard, l’animal est présenté chez son vétérinaire traitant pour une baisse de l’état général. Une euthanasie est demandée sans exploration de la cause responsable.